L'église romane de Rétaud 

en Saintonge


Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Michel ROCHAT et Alain DELIQUET


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"Site Belle Saintonge"



Commune du Canton de GEMOZAC (à13 kilomètres au nord de Gémozac et à 11 kilomètres de Saintes)

L'église de Rétaud, 


 

un des plus purs joyaux de la Saintonge, souvent visitée, souvent étudiée, souvent citée, 
est parmi les édifices qui font la gloire archéologique de notre région, un des plus connus. 
Par la pureté de son style et de sa décoration, cette église constitue un fleuron du patrimoine artistique français. 
Elle figure d'ailleurs parmi les premiers monuments de notre Sud-ouest distingués par les Beaux-arts et pris sous leur sauvegarde. 
Son classement aux Monuments Historiques remonte, en effet, au début de 1862.

le chevet de Rétaud

Il y a lieu cependant de préciser que l'intérêt qui s'attache à cet édifice se concentre presque uniquement sur son chevet, le reste, à part quelques détails d'une réelle beauté, comme la corniche qui traverse la façade, n'est plus guère qu' honorable et a son équivalent dans de nombreuses églises de la Saintonge.

L'église paroissiale de Rétaud, dédiée a Saint Trojan,  a été construite vers le milieu du XIIe siècle (Ch. Dangibaud précise de 1140 a 1150)  par les soins du chapitre de Saint-Eutrope de Saintes,  mais son clocher est du XVe. 

Il est probable que ce clocher en a remplacé un plus ancien, car, si sa tour octogonale percée sur chaque face d'une longue fenêtre tréflée  et ses contreforts sont du XVe siècle,  sa souche est incontestablement antérieure.


La façade, également romane mais des plus simples, ne comprend que deux courts étages dont le supérieur, peut-être reconstruit, simple mur nu terminé en pignon, n'est percé que d'une seule petite ouverture cintrée.
Le« rez-de-chaussée est occupé par un portail en plein-cintre a trois voussures peu ornées encadrant un tympan grossièrement maçonné. De chaque coté deux petites baies aveugles en tiers-point sont flanquées chacune de deux fortes colonnes à beaux chapiteaux supportant une corniche, tandis que leurs bases reposent sur une banquette. L'espace existant entre les modillons est finement décoré de feuillages, de motifs géométriques et d'entrelacs.

masques de la facade

Les corniches très ouvragées ne sont pas rares en Saintonge,  mais celle de Rétaud se distingue des autres par la délicatesse de son ornementation et par le nombre vraiment extraordinaire de masques humains (onze) que l'on peut y voir. 

corniche de Rétaud

Ces masques d'une exécution parfaite représentent vraisemblablement des personnages de l'époque et de la région. Parmi ces « portraits » variés

modillon de Rétaud

il y a lieu de remarquer celui d'une jeune fille d'un délicieux modelé et d'un art excellent. Ces " têtes de Rétaud "  jouissent d'ailleurs d'une certaine renommée dans le monde artistique.

abside coté nord Rétaud

L'abside est le morceau de choix de cette construction, celui ou les Imagiers ont dépensé l'essentiel de leur talent. Elle est à pans coupés et revêtue d'une décoration " romane-byzantine"  extrêmement soignée. Tout dans cette réalisation, qui constitue un bijou de l'art roman, est digne non seulement d'attention mais d'admiration : son plan, son dessin, son exécution. Chaque détail qui vient heureusement contribuer à  l'élégante harmonie de l'ensemble est remarquable et mérite un examen minutieux : les fenêtres, les colonnes, les arcades, la corniche, etc.


Certains ont estimé que la décoration de cette abside trop poussée vers le haut, manquait d'équilibre et se mariait mal avec les grandes arcades du premier étage qui en paraissaient étriquées. C'est une conception discutable. Ces arcades n' ont, en effet, rien de grêle,  elles forment avec les fenêtres qu'elles encadrent un ensemble qui meuble fort bien et suffisamment l'espace qui leur est affecté. Mais en outre cette disparité, ou plus exactement cette graduation dans l'ornementation, a été très certainement cherchée;   elle réalise une conception artistique nettement accusée où l'auteur a voulu faire ressortir une progression, une ascension dans la décoration et développer celle-ci en même temps que se haussait l'édifice. C'est une forme de " l'élan vers les hauteurs ". L’œil du spectateur est guidé vers les sommets pour " faire s'élever les pensées en même temps que montent les regards ".

Le but a-t-il été atteint ? Oui, pleinement, car Il y a lieu de remarquer que semblable impression ne se dégage pas de l'examen de l'abside de RIOUX, église voisine et rivale, d'un dessin identique mais plus riche. Là l'ornementation est dans son ensemble compliquée et même chargée, excessive peut-être et plus uniformément répartie entre tous les étages. Cette décoration n'arrête pas le regard qui va, vient, quête de côté et d'autre et s'il lui arrive de s'élever,   ne se fixe pas, car  tout  le sollicite et il  n'a pas plutôt atteint le sommet qu'il redescend vers les étages inférieurs.
Mais ces interprétations différentes, suscitées par les deux oeuvres d'art que sont RIOUX et Rétaud, ne sauraient les faire opposer l'une à l'autre. Toutes les deux sont des chefs-d’œuvre qui méritent amplement l'intérêt qu'elles ont fait naître dans le monde des archéologues et des artistes.

A RETAUD le chevet est divisé en sept aires,  dont cinq en pans coupés pour l'abside proprement dite. Dans la hauteur trois étages se superposent.


Les sections sont séparées par des groupes de colonnes fort intéressants. Partant du sol où leurs bases s'appuient sur une banquette, elles montent en s'amenuisant jusqu'à la corniche qui supporte le toit après avoir changé quatre fois de diamètre. Cette disposition qui sa rencontre dans d'autres églises de Saintonge est surtout mise en évidence ici. Lisses dans le bas, ces colonnes sont ornées de motifs variés vers le haut.

Les aires de l'étage inférieur sont garnies de pierres posées en assises obliques. Le premier étage est occupé par de vastes baies, soit en plein-cintre, soit en arcs légèrement brisés. Cinq de ces arcs encadrent une fenêtre dont les cintres s'appuient sur des colonnes d'angles très détachées. Au-dessus,  à l'étage supérieur se développe une longue arcature portée par de fines colonnettes simples ou doubles. Les cintres richement ornés sont surmontés sur le plat du mur d'une abondante décoration finement sculptée. Couronnant le tout une superbe corniche à très beaux modillons s'appuient sur les chapiteaux des colonnes. 

ane profanant une hostie à Rétaud

Les modifions a sujets variés (lièvres, sangliers, loups, femme tirant la langue, feuillages, etc.) sont supérieurement traités.
L'intérieur de l'église de  RETAUD ne répond pas à son extérieur.
La nef à trois travées a perdu sa voûte ancienne,  elle est recouverte aujourd'hui par une simple charpente. Les travées sont séparées par de fortes demi-colonnes terminées par des chapiteaux nus.  

Six fenêtres en plein-cintre, très étroites sur l'extérieur,  percent les murs et sont ornées de colonnettes aux angles.  

la litre avec armoiries de Rétaud

Entre ces fenêtres des armoiries autrefois peintes sur la pierre ont été grattées à la Révolution, mais quelques couleurs subsistent.
Les quatre forts piliers de la quatrième travée supportent le clocher. Ces piliers sont reliés par de grands arcs ogivaux à grosses moulures prismatiques. Une voûte ogivale a huit voûtains réunit ces arcs autour d'un trou à cloches formant clé.
Deux fenêtres semblables à celles de la nef éclairent cette partie de l'édifice que suit le chœur. Celui-ci sans éclairage est aussi sans ornementation sauf deux bandeaux sculptés qui courent tout autour du sanctuaire et le traverse, l'un a hauteur des tailloirs des chapiteaux, l'autre à 2 m. 50 environ du sol.

le choeur et les frises Rétaud

L'abside, voûtée en cul-de-four, est éclairée par cinq fenêtrages en pleins-cintres séparées par de fines colonnes montant du sol et terminées par des chapiteaux bien exécutés comme le sont également ceux des colonnettes qui cantonnent les fenêtres et ceux de l'arcature qui les surmonte. Cette décoration rappelle en beaucoup plus simple celle de l'extérieur.
Des traces de litres se remarquent sur cet édifice. On pouvait encore y distinguer il y a peu de temps des écussons des familles de Guilard (1783) et de Brétinauld de Saint-Seurin.

L'église de RETAUD a subi des assauts au cours des guerres de Religion. La preuve en est visible sur son clocher qui a été mis en état de défense. Quelques fenêtres partiellement bouchées montrent encore les meurtrières qui ont abrité les combattants.


 

______________________ Fin du texte de Charles CONNOUË

Les églises de la SAINTONGE 

(livre 1 épuisé)

édition: R.DELAVAUD (Saintes) avec leur aimable permission ________________





 

  

Aux alentours de Rétaud

carte de situation

 

  • Le phare de CORDOUAN au départ de ROYAN (à 18km )
  • ROYAN (à 18 km)
  • Les halles de COZES (à 12 km)


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