L'église romane

de Meursac (17)

en Saintonge


Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Alain DELIQUET


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"Site Belle Saintonge"

L'église de Meursac est un édifies curieux qui pourrait servir de sujet à une leçon d'histoire basée sur des données archéologiques. Elle data du XIIe siècle, mais de nombreuses autres époques l'ont marquée de leurs empreintes. Elle présente en outre, un certain nombre de particularités, voire même d'étrangetés, qui en font une construction intéressante à détailler.
Elle est bâtie eux abords d'une voie antique.

la tour de PIRELONGE

La tour de PIRELONGE qui se trouve le long d'une voie romaine au milieu des vignes
entre Saint Romain de Benet et Meursac.

et au-dessus d'un souterrain refuge. La route, qui date des temps néolithiques, mettait en relation les populations du centre méridional avec les côtes de l'océan.

 Le souterrain, creusé probablement par les Celtes, a une entrée sous une dalle dans le cimetière voisin et une autre dans l'église près du choeur.


Une partie forme, depuis le Moyen Age, crypte-ossuaire, mais a dû à l'origine du catholicisme servir de lieu de réunion et de sépultures aux premiers chrétiens qui ont ensuite dès le IVe ou le Ve siècle élevé un premier autel à cet emplacement.
Rien ne renseigne sur ce qui a pu suivre jusqu'à la fin du XIe siècle; époque où fut bâtie l'église primitive dont quelques murs sont parvenus jusqu'à nous. Cette première construction, dédiée à Saint Martin, avait la forme d'une croix latine avec le clocher en avant du choeur et un chevet demi-circulaire. Elle connut de bonne heure de sérieuses vicissitudes, puisqu'un siècle plus tard à peine, la façade


était remplacée par celle que nous voyons aujourd'hui, en même temps que la nef était raccourcie d'une demi-travée.
Alors commença pour cet édifice l'ère des grandes transformations.
Meursac était à cette époque sous la dépendance des moines de la Chaise-Dieu en Auvergne. 

En plusieurs campagnes le chevet fut complètement rebâti sur des baies plus larges et le clocher reconstruit.
L'église actuelle comporte une façade a pignon précédant une étroite nef suivie d'un large chevet surmonté d'un clocher massif et carré.
La façade, que G. Musset date de la deuxième moitié du XIIe siècle, ce qui est vraisemblable car nous trouvons là une véritable page d'art roman fleuri.


Le bas est occupé par un seul portail en plein-cintre dont les quatre voussures à claveaux nus reposent sur des colonnes à chapiteaux historiés. 


Tout l'intérêt de cette façade réside dans son premier étage qui est absolument remarquable. Il y a quelques années il était encore déparé par un énorme contrefort d'angle qui masquait toute ta partie droite. Ce pilier heureusement démoli, a libéré un harmonieux ensemble où se détachent trois fenêtres :
celle du centre avec trois grands arcs en plein-cintre et deux autres de même style mais aveugles. Ces fenêtres sont encadrées de colonnes très travaillées se terminant bizarrement en chandelle; elles sont montées sur un soubassement à cannelures lui-même appuyé sur une corniche. Une partie de leur hauteur est ornée de motifs divers très finement exécutés, dont l'un, sorte de végétal à quatre feuilles, extrêmement rare.
Le clocher, construction du XIVe siècle, a chacune de ses faces percées de deux fenêtres tréflées,

il est flanqué au nord d'une tour d'escalier coiffée d'un cône allongé nettement convexe d'un très curieux aspect qui rappelle l'ancien bonnet de nuit des vieux charentais.


La nef unique est à quatre travées, la première écourtée, séparées par des colonnes adossées à des pilastres. Des chapiteaux lisses portaient autrefois des doubleaux sur lesquels s'appuyait une voûte de pierre aujourd'hui remplacée par un plafond en anse de panier. Les pilastres sont réunis latéralement par de grands arcs en tiers-point aux centres percés d'étroites fenêtres romanes largement ébrasées.

A son extrémité cette nef est presque fermée par un mur nu. Une simple baie ogivale à trois moulures donne accès au transept et au chevet. Ce dernier profond et carré, aussi large que la nef est étroite, surprend par son ampleur. Il est formé d'un vaisseau central : choeur et abside communiquant de chaque côté par deux grandes arcades avec des collatéraux dont les murs plats du fond s'alignent sur celui également plat de l'abside.

Le carré du transept, fort intéressant, permet de nombreuses observations. Il est limité par quatre piliers de maçonnerie massifs et tous dissemblables, réunis en tête par des arcs brisés de hauteurs différentes et surmontés très haut par une petite coupole sur pendentifs, barlongue et très fruste, avec au centre un large trou à cloches.



Les arcs ogivaux qui séparent le carré de chacun des bras du transept sont doublés l'un et l'autre par un deuxième arc, mais roman celui-là, et qui ne le touche pas, de sorte que les arcs et les piliers gothiques qui supportent le clocher sont emboîtés dans l'édifice antérieur comme à Montils.
Les croisillons voûtés en plein-cintre _ celui de gauche en moellons _ sont éclairés par deux petites fenêtres semblables à celles de la nef.

Les chapelles des collatéraux ont des voûtes en ogive et des fenêtres gothiques.
Le vaste mur plat du chevet devant lequel sont disposés trois autels, est percé en son centre de deux fenêtres jumelées dont les colonnettes et les chapiteaux accusent le XIIIe siècle. Derrière l'autel de droite s'ouvrent deux fenêtres à peu près semblables et l'autel de gauche est éclairé par une grande fenêtre flamboyante du XVe siècle.
Il faut noter enfin que l'axe central du chevet est légèrement incliné à gauche par rapport à celui de la nef.
Les détails intéressants abondent dans cette partie de l'édifice si souvent remaniée.

MEURSAC le thème de prédilection

(Scène de combat spirituel entre forces spirituelles et viriles.
Remarquez les bébés qui têtent sous le ventre)

Aux colonnes du choeur des chapiteaux romans rappellent par leurs sujets ceux de Saint-Eutrope de Saintes.

MEURSAC: cul de lampecul de lampe

(Cul de lampes gothiques)

Dans les chapelles ogivales des culs-de-lampe ornés de têtes humaines sont à détailler ainsi que les clés de voûtes, dont l'une à droite montre quatre anges assemblés autour de Saint Joseph porteur d'une cage et de deux colombes. Sur une console une Vierge à l'enfant, en bois, ainsi qu'une statue de Saint Joseph, en bois également, sont d'une bonne exécution, mais ne peuvent rivaliser avec le magnifique autel en bois doré du XVIIe siècle et les deux superbes crédences Louis XV qui l'encadrent : retable, tabernacle et crédences, qui proviendraient de l'abbaye-aux-Dames de Saintes, sont classés au Mobilier Historique.
Parmi les nombreuses sculptures de cet édifice, il faut accorder une mention spéciale aux modillons de la façade dont certains présentent cette particularité de porter sur le bord de leurs tablettes le nom de l'animal représenté :



Léopards, Colombe, etc. L'un nous montre une femme tirant la langue (la femme bavarde qui a la langue trop longue), motif que l'on retrouve ailleurs...
( d'autres des têtes variées humaines ou d'animaux, etc.)
Tout le côté sud de l'église mérite une attention particulière avec ses nombreux contreforts et ses superstructures


où l'on voit encore une ancienne échauguette et ses mâchicoulis. Au XVIe siècle ce monument eut, en effet, à subir de rudes assauts de la part des Calvinistes. Quelques traces d'incendie encore apparentes près de la petite porte sud du transept l'attestent, comme les ouvertures faites à hauteur des combles pour servir de meurtrières.
L'église de Meursac a été classée Monument Historique le 10 février 1909.

__________________________________Texte intégral de Charles CONNOUË

Les églises de la SAINTONGE (livre 1 épuisé)

édition: R.DELAVAUD (Saintes) ________avec leur aimable permission. _____________________



Faisons parler un chapiteau rare et probablement unique

de l'église de MEURSAC

nouvelle lune à MEURSAC   Nouvelle lune à MEURSAC

Il n'est pas mis en valeur c'est dommage : LUCIFER mange la NOUVELLE LUNE

Celle qui disparait "mystérieusement" durant trois jours, phénomène inexpliqué au XIe !

MEURSAC:

A droite la LUNE montre avec son front le croissant en "C" (en forme de "C" la lune décroît parce qu'elle ment ! En regardant de l'autre côté on voit évidement un "D") 

Trois étoiles  pour se situer dans le ciel sans équivoque.
A gauche dans l'angle on distingue bien les oreilles, les yeux, le nez et la gueule d'un être diabolique,
la lune, engoulée, 
reconnaissable à son front.

A droite l'on voit de ce coté le dernier croissant de la lune décroissante
Les trois étoiles représenteraient les trois nuits, pendant lesquelles l'astre disparaît ?

Comme le Christ est plutôt soleil qui éclaire que lune , l'on ne peut qu'envisager une représentation 
des bizarreries encore inexpliquées des choses du ciel.

Voici un extrait de Raoul Glaber contemporain, à propos d'une éclipse, pour expliciter les croyances de l'époque:

"Au cours du mois de novembre, le 10 des calendes de décembre (1044), à la troisième heure du jour, se produisit la troisième éclipse de soleil de notre temps; c'était naturellement le 28 ème jour de la lune. Car il ne se produit jamais d'éclipse de soleil en dehors du 28 ème jour de la lune, ni d'éclipse de lune, en dehors du 14 ème..... En ces jours, nous avons appris, par Gui, archevêque de Reims, que les siens avaient vu l'étoile Bosphore, appelée aussi Lucifer, s'agiter un soir de haut en bas comme pour menacer les habitants de la terre. A la vue de pareils prodiges envoyés par le ciel, bien des gens, épouvantés de leurs propres vices, firent pénitence et entrèrent dans la voie du redressement"
(Raoul Glaber, histoires, III,5)

Ce chapiteau révélerait que les cieux sont aussi le domaine de Lucifer 
prince des ténèbres , ce serait lui qui fait disparaître la lune !
 

Le sculpteur a inventé le moyen de montrer sur une même image :
la nouvelle lune, la pleine lune et les deux croissants montant et descendant selon notre position par rapport au chapiteau. Génial !

lune à MEURSAC

Le visage engoulé: c'est la "nouvelle lune" à gauche, celle qui disparaît pendant trois jours !
Juste au-dessus c'est la pleine lune.

Sur  la tête de la lune une coiffure ? une flamme? Signe de déification?



Un autre chapiteau intéressant de MEURSAC:

Maitrise à MEURSAC

Un personnage dans des rinceaux maîtrise la langue du "Malin"
malheureusement le chapiteau est assez endommagé de l'autre coté.


Orant de MEURSAC

Un orant (réemploi?)
et des étoiles à 7 branches d'une facture très ancienne.

Les chapiteaux restaurés du portail:

Chapiteaux de MEURSAC

Chapiteaux de MEURSAC

Chapiteaux de MEURSAC

Chapiteaux de MEURSAC


et les modillons de la façade restaurés également:

Modillons à MEURSAC

Modillons à MEURSAC

Modillons à MEURSAC

Modillons à MEURSAC




A. Deliquet rev 2023


 

  

A propos de l'église et des souterrains...

Il est bien à regretter que l'église de Meursac soit si profondément enterrée : de là une fraîcheur compromettante pour ces grandes richesses ; c'est pourquoi je me permets, Messieurs, de solliciter de votre bienveillance et de votre amour pour la conservation des belles choses, un rapport favorable auprès de l'autorité supérieure, afin qu'elle nous vienne en aide pour opérer un déblaiement qui sécherait et assainirait l'église.
(C'EST FAIT DEPUIS _MERCI)

ossuaire de MEURSAC

Sous le sanctuaire, existe un ossuaire de grande dimension. Tous les ossements, à quelques rares exceptions près, sont d'une grosseur et d'une longueur qui ne permet point de douter qu'ils aient appartenu à des hommes vigoureux et de haute stature. Beaucoup sont cristallisés, une analyse nous a donné la preuve irrécusable que celte cristallisation n'était pas du carbonate ou phosphate de chaux, maïs du sulfate de chaux cristallisé en prismes, dont quelques crânes sont tapissés à l'intérieur.
Cet ossuaire est percé dans le rocher à une profondeur de 5 mètres: c'est en 1857 que j'en ai fait la découverte, et le déblaiement total n'a été fini que pendant l'hiver 1857.
Voici mon opinion personnelle que je soumets à la sagesse de vos appréciations.



La population de Meursac (1500 habitants) n'aurait pu donner une si grande quantité d'ossements, car, malgré ce que j'ai fait enlever pendant mes recherches et porter dans le cimetière qui entoure l'église, il reste encore une quantité telle d'ossements entiers ou brisés qu'ils pourraient représenter les squelettes de près de 10,000 hommes.
D'un autre côté comment expliquer qu'ils soient les restes d'hommes vigoureux et athlétiques? Ma pensée est qu'ils sont le résultat de quelque bataille livrée soit dans Meursac, soit dans les environs: ce qui me confirme dans cette opinion, c'est qu'une vaste plaine qui domine Meursac ainsi que le château dit La Motte, porte aujourd'hui encore la dénomination de fief Bataille.
Puisque je viens   de  citer le château  de   La Motte  Meursac, permettez-moi, Messieurs, de vous en dire un mot qui ne sera pas sans intérêt.
Sous ce château qui, dans le XVI ème siècle était habité par les De Moni gaillard, actuellement propriété de M. Forestier, ingénieur en chef, sous ce château se trouvent d'immenses souterrains taillés dans le roc, à une profondeur de 5 mètres. Je les ai péniblement visités en tous sens: je dis péniblement, car il faut souvent marcher des pieds et des mains, et parfois se traîner à plat ventre pour pénétrer dans certaines chambres.
Je présume:
_ 1° que les trois chambres I. J. K. étaient des prisons souterraines, vulgairement appelées basses-fosses.
_2° Que le boyau qui est obstrué et dont la direction va du côté du village appelé Cabane du château, était une sortie secrète, eu cas de surprise, à l'époque des Dragonnades, car ce château, je l'ai dit plus haut, appartenait à noble Louis de Montgaillard, partisan de l'Église réformée.

_3° Le vaste corridor, à droite en entrant dans le souterrain, à voûte ogivale toute en pierre de taille, me fait supposer qu'il conduisait à l'oratoire. Un déblaiement nous éclairera plus tard.

A l'entrée du bourg de Meursac, existe une maison qui porte le millésime 1559, le badigeonnage a couvert les chapiteaux de deux colonnes cylindriques qui ornent l'entrée principale de cette maison ; elle appartenait en 1662 à sieur Doussin de la Grand-Maison. L'escalier vaste et tout en pierres de taille est assez remarquable.

Au centre du bourg et plus près de l'église existe une maison avec contrefort: elle était, dit-on, autrefois l'abbaye, et c'est à ces religieux que j'attribue l'ouvrage de patience de l'ossuaire cité plus haut.

J'aurai été satisfait de vous parler un peu de la commanderie des Epeaux dont M. Louis de Brilhac fut le dernier commandeur, mais il n'existe plus que des ruines et un mur latéral de l'ancienne chapelle des Templiers. Dans ce château, on rendait justice, on battait monnaie, ainsi que le constate la découverte de coins et de matrices. Il y a cinq ans existaient encore les traces de prisons souterraines vulgairement dénommées basses-fosses.

(Source: un livre de la bibliothèque de SAINTES dont je n'ai pas retenu l'auteur _ veuillez m'en excuser)

Un autre texte:

La plupart des archéologues sont d'accord pour situer l'origine de la crypte vers le V è siècle de notre ère. Rappelons que cette crypte est entièrement taillée dans le roc, avec des ajouts maçonnés qui sont l'escalier d'accès et la coupole. L'escalier semble du XII è. Les avis sont plus divergents concernant la coupole. Si certains la situent au XII è, d'autres la croient plus récente, au moins dans sa partie supérieure. M. Robert Colle, dans son livre « Saintonge mystérieuse. Aunis insolite », est le premier à avoir officiellement décrit la crypte depuis sa redécouverte. Il y voit: :
" ..A l'origine, un souterrain-refuge ou un lieu de culte très ancien, peut-être gaulois; puis, à l'époque paléochrétienne, une sépulture de saint et une crypte ; au Xll è siècle, une chapelle souterraine avec une très belle coupole et un escalier tournant pour l'accès, puis un ossuaire...»
EN   GUISE   DE  CONCLUSION
II y aurait beaucoup d'autres choses à dire sur cette crypte qui est loin d'avoir révélé tous ses secrets. Possède-t-elle une autre issue encore à découvrir ? Pourquoi, si elle a servi de souterrain-refuge, ne communique-t-elle pas avec un souterrain voisin ou un puits pour avoir de l'eau ? Telles sont quelques-unes des questions qui ne sont pas résolues à ce jour, ainsi que l'aménagement de l'entrée de la crypte dans l'église, qui reste fort étroite et qui relève de la compétence des Monuments historiques.
(Ce 27 septembre 1978.)



La commanderie des EPEAUX à MEURSAC
domaine privé dont voici quelques photos:




Commanderie de MEURSAC

Commanderie de MEURSAC

Commanderie de MEURSAC

Une tombe médiévale

à visiter aux  alentours de MEURSAC

carte de situation

 

  • Le phare de CORDOUAN au départ de ROYAN (à 15km )
  • ROYAN (à 15 km)
  • Les halles de COZES (à 9 km)


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