L'église romane de FENIOUX

en Saintonge

Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Michel ROCHAT et Alain DELIQUET


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"Site Belle Saintonge"


Commune du Canton de SAINT-SAVINIEN
(à 8 kms à l'Est de Saint-Savinien et à 7 kms an Sud-Ouest de Saint-Jean-d'Antgély)

L'église  de   Fenioux,   souvent   appelée   « la   perle  de   la   Saintonge », mérite sans conteste cette élogieuse épithète. Elle n'en est pas «  la reine »  ou « la plus belle », ces termes allant tout naturellement à l'abbaye aux dames de Saintes ou à Aulnay, l'une et l'autre plus importantes et surtout plus complètes ; mais Fenioux, par la grâce unique de son clocher et la particulière richesse de sa façade, éveille spontanément dans l'esprit l'idée d'un bijou.

l'église de FENIOUX

(l'église et son clocher lanterne au mois de Mars 2008)

Ce joyau roman, qui s'élève presque solitaire dans une région écartée et boisée, aurait été construite, dit-on, en même temps qu'Aulnay et par le même atelier. Ce n'est certes pas rabaisser le mérite de Fenioux, mais si l'on veut par-là, décider de l'origine de cette église, c'est régler bien vite une question qui mérite un plus profond examen.

Sans doute remarque-t-on sur les façades des deux édifices, les mêmes sujets principaux : Zodiaque, Vierges sages et Vierges folles, Combat des Vertus et des Vices, etc..., mieux même, certains chapiteaux ont exactement la même décoration très spéciale, par exemple : Deux oiseaux affrontés sous les ailes desquels est accroupi un être humain minuscule vu de dos. Pareille similitude n'est pas le fait du hasard. Il y a eu rapports indéniables entre les constructeurs, à une certaine époque, mais la décoration d'Aulnay est dans son ensemble sèche, sévère et quelquefois même rude ; celle de Fenioux au contraire est toute souplesse, grâce et élégance. La façade de Fenioux est l'œuvre d'artistes plus évolués, plus nuancés que ceux d'Aulnay. Les uns ont répété en partie l'œuvre des autres, c'est possible ; mais qui dira si un même thème ne leur avait pas été imposé, entraînant de semblables réalisations. En fait, il semble qu'il y ait un écart de plusieurs années, voire de décades, entre le « faire » des deux ateliers.


D'ailleurs, quand il est question de rapprocher Aulnay de Fenioux, que veut-on comparer ? — Ni l'un ni l'autre de ces deux édifices n'ont été construit d'un seul jet. Cette certitude qui s'impose à Aulnay est encore plus visible à Fenioux. La porte latérale, la façade et le clocher de Fenioux sont l'œuvre de trois époques différentes- II en est de même à Aulnay dont la construction s'est peut-être étalée sur un demi-siècle.

Bornons-nous donc à noter que la petite porte de Fenioux semble être du deuxième quart du XII è siècle, la façade du troisième quart et le clocher de la fin du quatrième, mais certains murs et fenêtres sont nettement antérieurs.

Quand le visiteur approche de Fenioux son regard est d'abord arrêté par le clocher qui dresse sa fine et délicate aiguille sur un horizon de verdure. Ce clocher est une merveille de l'art roman. Sa flèche d'une étonnante légèreté et d'un dessin impeccable l'a fait classer parmi les plus belles œuvres de la Saintonge. Elle aurait inspiré l'architecte Van Dremer pour son clocher de Notre-Dame d'Auteuil. « C'est une référence », nous dit l'Abbé Tonnellier dans sa belle étude sur Fenioux. Il n'hésite pas cependant à prononcer à son propos le mot de décadence. Décadence du style roman, bien entendu, et cette opinion peut à la rigueur se soutenir ; beaucoup de gracilité en effet et d'étirement, beaucoup de vides... 

le clocher lanterne de fenioux

Et pourtant, malgré cette gracilité et ces vides, peut-être à cause d'eux, le clocher de Fenioux est une bien jolie chose...
Il se compose essentiellement de deux lanternes ajourées posées l'une sur l'autre et surmontées d'un dôme aigu. Cet ensemble se dresse sur la haute plate-forme d'une tour carrée à deux étages, dont le premier est simplement renforcé de contreforts plats aux angles et le second orné sur chaque face de deux longues baies aveugles en plein cintre.

La première lanterne est formée de quatre fenêtres avec tympan et arcatures géminées posées sur de légères colonnes, A ses angles en pans coupés et soudés en quelque sorte à la lanterne, quatre lanternons d'une rare sveltesse chargent chaque coin de la plate-forme. Ces lanternons abattus à une époque indéterminée, n'existaient plus au siècle dernier. Ils ont été rétablis en 1896, en même temps que de sérieuses et bien nécessaires réparations étaient effectuées à l'église.
Cette lanterne en porte une autre plus étroite et moins élevée, sorte de délicate couronne formée de colonnettes doubles qui reçoivent les retombées d'une petite arcature circulaire en plein cintre. Le dôme effilé qui termine le clocher est écaillé et légèrement renflé, ce qui contribue à donner à l'ensemble un élégant cachet d'originalité sans cependant s'écarter des règles établies du roman Saintongeais.

le portail de FENIOUX

La façade, elle aussi d'une conception toute particulière, est sans analogie dans la province.
Le portail très profond, occupe tout le rez-de-chaussée. Il est abondamment orné et compte cinq larges voussures, appuyées sur un riche bandeau formé par les chapiteaux des nombreuses colonnes des pieds-droits.


les statues en facade


Le mur du pignon qui surmonte ce portail, en sérieux retrait sur l'avancée de la grande voussure, a sa base ornée de sept belles statues presque grandeur naturelle dont plusieurs sont malheureusement mutilées. Elles sont de plus difficiles à examiner car il n'y a pas d'escalier pour monter à cette galerie. La statue du centre représente un Christ enseignant et celle de droite peut-être une Annonciation. La tète de la statue est encadrée par un ange dans un nimbe qui forme en même temps modillon, les jambes sont curieusement croisées.

Au-dessus de cette ligne de statues, une fine corniche appuyée sur de gros modillons porte le pignon percé d'une large fenêtre en plein cintre entourée d'un rang de marguerites semblables à celles de la porte latérale.

contreforts

L'ensemble est encadré de deux fortes colonnes à chapiteaux très travaillés, tètes de série d'un alignement en pan coupé de sept autres aussi magnifiques formant contrefort d'angle, montant d'une large base jusqu'au sommet de la façade.
Toutes les voussures et. les chapiteaux du portail sont richement travaillés.

La première, est ornée d'un superbe zodiaque, le plus beau de la Saintonge. Plus soigné que celui d'Aulnay, il est aussi mieux conservé. A côté des noms des mois se trouvent les signes conventionnels et les figures correspondant à chaque occupation mensuelle.

voussures FENIOUX

Sur la deuxième voussure, allongées dans le sens de l'arc, cinq Vierges sages et cinq Vierges folles encadrent un Christ. Un agneau pascal et des anges adorant occupent la troisième, tandis que sur la quatrième, six Vertus terrassent des Vices. La cinquième enfin est ornée de feuillages.
Toutes ces sculptures sont d'une impeccable exécution.

Parfaite aussi est la petite porte latérale qui s'ouvre sur le côté Nord à toucher presque l'angle ouest. C'est un très beau morceau d'architecture romane du début du XIIe siècle. Profonde pour son peu d'élévation, elle comprend trois voussures en plein cintre appuyées sur des pieds-droits garnis chacun de trois colonnes à chapiteaux. Le grand arc est entouré d'un gros cordon à pointes de diamant. Deux des voussures sont recouvertes de feuillages en volutes ou en croix et celle du milieu de belles marguerites a huit branches perlées. Ces marguerites qui se rencontrent un peu partout dans la région, plus ou moins bien exécutées, sont peut-être les modèles du genre.

fenetre carolingienne à claustras

Les murs latéraux de l'église ont été à maintes reprises remaniés, mais ils ont conservé des vestiges très anciens. C'est ainsi que sur le  mur Nord se voient encore deux petites fenêtres (0,80 x 0,24) fort remarquables et une sur le mur sud. Cette dernière seule est intacte. Ces ouvertures remonteraient à l'époque carolingienne. Garnies non de vitraux mais d'entrelacs de pierre très serrées, elles étaient, semble-t-il destinées à éclairer la nef quand le verre n'était pas encore d'un emploi courant. Aujourd'hui elles ne traversent pas le mur et ne présentent plus, sauf celle du sud, que des débris de leur ancien remplage.
Ces « claustra » sont, avec l'exemplaire de Petit-Niort, près de Mirambeau, (d'un dessin d'ailleurs différent et plus fruste), uniques en Saintonge.

 
interieur

L'abside reconstruite n'offre pas d'intérêt.
L'intérieur de l'église porte les traces de modifications nombreuses et profondes. L'appareillage y est très divers. Des parties sont en blocage irrégulier ; d'autres en pierre de taille. Les fenêtres qui éclairent la nef, laquelle n'a plus sa voûte, ont été percées dans le mur de blocage. Deux grands arcs aveugles reposent sur des colonnes à beaux chapiteaux, mais près de ces colonnes d'autres plus petites, massives et trapues, probablement très anciennes, ne supportent plus rien. Leurs volumineux chapiteaux sont très beaux.
Ces diversités rappellent que l'église élevée sur des murs en partie du XIe et même antérieurs a été, en outre plusieurs fois revoùtée. La dernière couverture en date s'est effondrée en 1835. Au siècle dernier une tribune occupait encore une bonne partie de la nef alors voûtée en ogive. Cette tribune s'appuyait précisément sur les colonnes courtes.
Les premières travées de l'église étaient étroites et de petits contreforts les étayaient à l'extérieur. Il en reste cinq au nord. Des travées plus grandes leur succédèrent quand il fut question vers la fin du XIIe siècle de couvrir la nef de coupoles. Il fallut ajouter des colonnes et à l'extérieur de gros contreforts qui ne sont pas à l'alignement des piliers qu'ils devraient buter.
Signalons enfin que l'architecte du Sacré-Cœur de Montmartre, Abadie, est venu à Fenioux à la fin du siècle dernier pour s'inspirer des sculptures du portail qu'il a reproduites dans l'ornementation de la célèbre basilique parisienne.
L'église de Fenioux, placée sous le vocable du Saint-Esprit, a été une des premières de la région à figurer sur la liste des Monuments Historiques. Son inscription date en effet de 1840.

chapiteau

Construite au flanc d'un coteau et presque isolée dans une région autrefois entièrement couverte de forêts, elle est sans doute l'aboutissement d'une suite de monuments qui avaient eux-mêmes succédé à d'autres : pierre celtique ou autel druidique. Elle doit marquer en tout cas un emplacement où se sont déroulés de très antiques scènes religieuses. On a trouvé dans le vallon quelques vestiges gallo-romains. Au Xe siècle existaient là d'importants bâtiments conventuels. Tous ont disparu. Seule l'église, que son éloignement des grandes voies de communication a protégé, est parvenue jusqu'à nous avec sa LANTERNE DES MORTS.

la lanterne des morts de FENIOUX

LA LANTERNE DES MORTS 


La renommée de Fenioux n'est pas uniquement due aux qualités exceptionnelles de son église. Le curieux monument qu'est la Lanterne des Morts a contribué beaucoup aussi à sa célébrité.
Elle se dresse à 80 m. environ à l'ouest de l'église, c'est-à-dire en avant de sa façade.

le socle de la lanterne

C'est une tour formée d'un ensemble de onze colonnes accolées dont les chapiteaux portent une légère corniche circulaire sur laquelle se dressent treize autres colonnes plus petites, plus courtes et indépendantes, formant la lanterne. Sur leur couronnement est posée une pyramide carrée dominée par une courte croix. Les quatre côtés de la pyramide sont recouverts de grosses écailles aiguës, très saillantes, surtout sur les angles.

la lanterne de la lanterne des morts

Les segments de la circonférence à la base de chaque pan sont chargés d'un court pyramidion terminé par une boule de pierre. L'une de ces boules côté sud, est à moitié brisée, le reste a vaguement la forme d'un croissant ce qui a fait dire à certains que la Lanterne des Morts de Fenioux était surmontée de l'emblème mauresque.
Ce genre de monument, très rare en Saintonge, n'est cependant pas unique. Il en existe un à Saint-Pierre d'Oléron  fort beau aussi, mais moins ancien, et deux autres un peu au-delà des limites extrêmes de la province, l'un à Cellefrouin, au nord de La Rochefoucauld et l'autre à Pranzac, à quelques kilomètres au sud. Des restes d'un cinquième subsistent à Brigueil, canton de Confolens. En s'écartant davantage, on en trouve encore un à Pamplie (Deux-Sèvres), un à Felletin (Creuse) et dans la Vienne à Journet, à Aubigny et à Château-Larchier. Ces derniers d'ailleurs différents de formes et de styles sont sensiblement moins intéressants.

le soir la lanterne de FENIOUX


Tous s'élèvent sur ou auprès d'un ancien ossuaire.
A l'intérieur, un petit escalier conduit à la lanterne où était suspendue une lampe à huile dont la lumière, symbole d'une vie future, brillait dans la nuit, non seulement pour honorer les défunts, mais aussi pour guider les voyageurs ou les pèlerins attardés.
La Lanterne de Fenioux, contemporaine de l'église, sinon plus ancienne, est inscrite aux Monuments Historiques.


vue de nuit

La nuit  l'église et le clocher  illuminés

Fin du texte de Charles CONNOUË_______________________________________________________

Les église de la SAINTONGE

(livre 1 épuisé)

________________________________________édition: R.DELAVAUD à SAINTES avec leur aimable permission


Certains y voient un croissant!

Un orbe et un croissant de lune ?

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A une centaine de mètres se trouve une belle fontaine 

la fontaine

vers le zodiaque de FENIOUX vers le zodiaque de FENIOUX

vers les lanternes vers les lanternes des morts

vers l'album photos sur FENIOUXVers l'album "JQ" sur l'église de FENIOUX


rev sept 2011/sept 2015 /rev 2019/2023 albumJQ

 


Le drame du XIIe des vierges sages et les vierges folles

 drame liturgique du XIIe siècle:

Dans lequel se trouve le texte annoté par Fredy BOSSY qui m'a aimablement autorisé à le reproduire
Le manuscrit est bilingue latin-poitevin


La carte des O.T.

situation de FENIOUX

A visiter aux environs de FENIOUX:

  1. Les carrières de  Crazannes (à 14 Km )

  2. Le Château de Panloy (à 20 Km )  (voir la bugée au chateau)

  1. L'église d'Annepont (à 7 Km)

  2. L'église du Mung (à 20 Km )

  3. L'Abbaye de Fontdouce (à 25 Km )

  4. SAINTES: abbaye aux dames, st-Eutrope basse, St-Eutrope haute
  5. SAINT JEAN D'ANGELY
  6. Le paléosite 
  7. Le musée des Bujoliers

  

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