L'ABBAYE AUX DAMES de SAINTES
Parmi les églises dont
la renommée a dépassé depuis longtemps les limites
de notre province, l'une, l' Abbaye-aux-Dames de Saintes, brille d'un
éclat tout particulier. Son ancienneté, la richesse
exceptionnelle de sa décoration architectonique, le dessin
parfait des lignes de son clocher, l'ont classée au premier rang
des édifices religieux de la région. Sans doute en
existe-t-il quelques autres en Saintonge capables de soutenir avec
celui-ci une heureuse comparaison ; certains comme Saint-Eutrope
revendiquent une antiquité plus haute ; d'autres comme Aulnay ou
Fenioux peuvent mettre en balance leurs sculptures également
riches où la rare élégance de leur flèche
de pierre mais aucun ne présente dans son ensemble et dans ses
détails une beauté aussi nette, jointe à une telle
perfection artistique.
(Voir sur ce site l'église basse ou crypte de Saint-Eutrope de Saintes) D'ailleurs ce splendide édifice, qui a si heureusement contribué a glorifier le sol sur lequel il s'élève, ne s'est pas seulement acquis une réputation régionale ; il occupe un rang des plus honorables dans la série des belles églises de France. Son clocher, absolu chef-d'œuvre, a fait l'objet d'une étude spéciale de Viollet-le-Duc dans son " Dictionnaire d'Architecture" et un moulage de son portail, superbe page de sculpture romane, a constitué longtemps l'entrée de la salle du XIIe siècle au Musée du Trocadéro, aujourd'hui Musée de Chaillot. C'est dire l'importance et la classe de ce monument que la ville de Saintes est fière de posséder. Il s'élève
à un emplacement que rien ne semblait devoir désigner au
choix des constructeurs. Mais les bâtiments que nous y voyons
aujourd'hui n'ont pas été spontanément
édifiés en ce lieu. Ils furent le résultat
d'entreprises diverses et de campagnes successives. Aux temps les plus
lointains il semblerait qu'une première colonie de religieux se
soit établie à cet endroit où vers l'an 400 serait
mort Saint Martin. Au VIe siècle, Saint Pallais,
l'évêque bâtisseur, y aurait fait édifier une
chapelle destinée a commémorer le souvenir de ce mort
illustre. Puis, autour de cet oratoire se serait, par la suite,
constitué un groupement de femmes vouées à la
Vierge Marie, groupement qui subsista longtemps.
Avec le XIe siècle commence la période historique dont les faits nous sont à peu près connus. Geoffroy Martel, duc d'Aquitaine et sa femme Agnès de Bourgogne choisirent ce lieu sanctifié pour y fonder une Abbaye régulière de religieuses Bénédictines. En 1047 apparurent les premiers bâtiments de ce monastère et en 1076 eut lieu l'installation de la première abbesse de l'abbaye Royale de Sainte-Marie-aux-Dames de Saintes. Richement pourvue dès son origine, cette communauté qui compta « dans la longue lignée de ses abbesses crossées et mitrées la fleur de l'armoriai français » groupa dans son sein maintes héritières de maisons nobles, richement dotées et connut une grande vogue. Elle disposa bientôt de ressources et de domaines considérables provenant de donations, d'apports et de libéralités. Les biens recueillis appartenaient en commun à toutes les religieuses et rien n'était aliéné, aucune dépense importante n'était engagée, sans le consentement de tout le chapitre qui compta à certaines époques jusqu'à cent religieuses et plus. L'abbesse qui prit
ultérieurement le nom de " Madame de Saintes " avait pour
régir les immenses propriétés de son ordre, un
personnel nombreux d'officiers, d'hommes de lois, d'auxiliaires et de
serviteurs. Madame de Saintes était avec l'évêque,
la plus haute, personnalité de la région.
Une grande partie des énormes ressources de la communauté, passait à l'entretien des bâtiments anciens et à de nouvelles constructions, non seulement à Saintes, mais aussi dans les nombreuses paroisses de sa dépendance. Pendant des siècles on ne cessa guère à l'abbaye Royale de travailler à embellir, à agrandir, à remplacer, ici une chapelle, là une nef, ailleurs un clocher. C'est ainsi que dès 1117, l'église primitive de l'abbaye fut abattue pour faire place à un nouvel édifice plus considérable et répondant mieux aux goûts du siècle. A l'ancienne disposition succéda une innovation rapportée des Croisades et l'on vit l'ancienne nef se couvrir de coupoles majestueuses.
Quelques années plus
fard, Agnès de Barbezieux (1134-1174) fit sur les plans de
l'architecte A. Bérenger, élever le clocher actuel,
partie maîtresse du monastère.
L'église de l'abbaye-aux-Dames, après des vicissitudes sans nombre, retrouvait donc, avec sa destination, la foule des fidèles et celle aussi des visiteurs et des admirateurs.
Le clocher qui attire et
retient d'abord l'attention est malgré la " réelle
simplicité de ses lignes absolument pures ", ou peut-être
à cause de cette simplicité même, une œuvre
d'une totale beauté. Anthyme Saint Paul estime qu'il est " le
clocher roman le plus remarquable de toute la région poitevine
", où existent cependant la cathédrale d'Angoulême
et Notre-Dame la Grande de Poitiers. Viollet le Duc émet une
opinion à peu près semblable et le déclare
supérieur à celui de Périgueux.
Sur une base carrée s'élève un premier étage, dont chaque face est ornée de trois fenêtres en plein cintre; les arcs, en retrait les uns sur les autres, sont décorés de motifs géométriques et reposent sur des colonnes à chapiteaux historiés. Au-dessus de cet étage règne une plate-forme sur laquelle s'élève une lanterne circulaire surmontée d'une coupole à dôme conique légèrement convexe couvert d'écailles retournées et cantonnée de quatre très beaux lanternons. La lanterne est
étayée par douze petits contreforts demi-cylindriques
entre lesquels s'ouvrent des fenêtres doubles
séparées par une colonnette et encadrées dans un
même cintre. Les arcs et les chapiteaux sont revêtus de
motifs nombreux et variés.
L'élévation Ouest,
souvent réparée, a subi de nombreuses modifications. La
façade actuelle a remplacé au XIIe siècle celle
qui clôturait la nef de 1047 et s'élevait un peu plus en
arrière vers l'Est. Tout le pignon s'est écroulé
en 1648. Relevé quelques années plus tard, mais
grossièrement rebâti, il a été, en 1937,
rétabli dans ses lignes primitives. Le grand portail —
l'œuvre romane la plus vantée de la Saintonge — est
composé d'une archivolte en plein cintre à quatre
voussures, portées par des colonnes dont les chapiteaux
réunis entre eux et à ceux des portes latérales,
forment un bandeau ininterrompu qui traverse la façade.
Les arcs des portes
latérales et les chapiteaux sont également couverts de
scènes diverses mais beaucoup de sculptures ont subi de
graves altérations du fait des intempéries.
L'inscription est sur trois pierres. "Hélas cette pierre recouvre les cendres de BERANGER. Il mit son art à construire ce monastère. Celui qu'une pierre cache, maintenant qu'il est mort, voulait en sculpter les pierres, et PIERRE auparavant, se servait de ces pierres pour la gloire de DIEU." C'est lui l'auteur probable des magnifiques chapiteaux qui ornent ce monument. Le moulage l'homme à la jambe de bois qui combat sans peur, bien qu'infirme, un monstre redoutable ; la Trêve de Dieu le Christ ressuscité, etc... La plupart de ces chapiteaux, dont certains ornent le clocher, ont leur reproduction au Musée des Monuments Français. L'intérieur de
l'église a changé maintes fois d'aspect. L'édifice
primitif était à trois nefs séparées par
deux rangées de six colonnes. Celui du XIIe siècle
n'avait plus qu'une nef, mais couverte de coupoles qui
s'écroulèrent au cours de l'incendie de 1648. Les
coupoles furent alors remplacées par des voûtes sur
croisées d'ogives. La nef est à deux
travées carrées recouvertes chacune d'une coupole sur
pendentifs dont les bases seules ont été
rétablies. Un arc superbe, flanqué de deux petits
passages latéraux, sépare cette nef du transept. Le
carré est surmonté d'une coupole sur trompes avec trou
à cloches. Le bras Nord sert d'entrée secondaire et une
ancienne absidiole, remplacée au XVe siècle par une
chapelle carrée, fient lieu de salle de chapitre. Dans les murs
du croisillon Sud, des traces de construction du XIe siècle sont
encore visibles. Ces chapiteaux sont un des plus
anciens vestiges d'archéologie religieuse que nous
possédions en Saintonge. L'abbé Julien-Laferrière
les a fait remonter au VIe siècle. Il est plus vraisemblable de
penser qu'elles proviennent de l'église de 1046. Ils n'en sont
pas moins remarquables, car les œuvres du XIe siècle sont
rares dans notre région. (1) Pas plus que les autres édifices de la Saintonge, l'abbaye-aux-Dames n'est « datée ». Aussi les controverses ont-elles été nombreuses au sujet de l'époque exacte de sa construction. Mais un fait est certain, elle n'est pas d' « un seul jet ». Des archéologues consciencieux s'accordent pour estimer que la façade est du deuxième tiers du XIIe siècle et plus précisément des années 1135 à 1148. Le clocher est un peu postérieur. Le rez-de-chaussée comprend un vaste portail en plein cintre flanqué de deux fausses portes. Au premier étage, une large fenêtre romane coiffée d'un grand arc en demi-cercle est encadrée de deux baies aveugles d'un même dessin. Tous les arcs sont recouverts de dentelures, de rinceaux, de feuillages, d'animaux et de personnages. Cà et là. dans la maçonnerie sont insérées des sculptures provenant de l'ancienne église ou subsistant d'une ancienne décoration. A son origine, le bandeau qui surmonte les deux fausses portes, était garni d'une frise de statues représentant des Saints et des Saintes. Une grande statue équestre occupait l'une des baies du premier étage. Deux autres personnages se dressaient aux extrémités de la corniche qui sépare l'étage central du pignon. Il n'en reste plus qu'une moitié à droite, dont les détails révèlent une œuvre d'excellente facture. Un beau cartouche aux armes de l'abbesse Françoise de la Rochefoucauld, orne le milieu du fronton. ________________________________ Fin du texte de Charles CONNOUË VOIR les PHOTOS du CLOCHER A qui étaient destinées ces sculptures sur cette splendide lanterne des morts ? Quelques mots sur le léonin du clocher
(Le moulage d'un chapiteau de Béranger le sculpteur de l'abbaye aux dames de Saintes) Vous comprenez à présent pourquoi c'est la patte (les actions) du léonin (symbole de la force virile ou vitale) qui essaie de faire pencher la balance... tenue par le chef des milices du ciel... Le léonin symbole de la force virile en pleine maîtrise de lui-même adoubant un feuillage orienté vers le ciel, de sa patte (ses actions) L'extrémité de sa queue est en feuilles grasses orientées aussi vers le ciel, elle n'est plus lancéolée. Le léonin en maîtrise est l'invention des sculpteurs du XIe Si l'initiation au décryptage des chapiteaux de l'époque vous intérresse, voyez sur ce site "symboles" Voir l'ALBUM JQ sur le CLOCHER Vers le descriptif de l'église basse Saint-Eutrope de Saintes Vers le descriptif de l'église haute Saint-Eutrope de SAINTES Retour à l' ART ROMAN en SAINTONGE AD 2020 /2023
|
FIN_2020