Le
mieux conservé, aussi complet
qu’élégant et
caractéristique des
pigeonniers du XVII ème siècle est
celui du
château de PANLOY. A Port d’Envaux, près
de
CRAZANNES. En 2005 Monsieur le Marquis ( décédé depuis, la propriété est transformée en résidences) a fait visité son château et ses dépendances lors des festivités qu’il organisa sur son domaine. Très conviviales et instructives car l’on a pu visiter non seulement le pigeonnier mais aussi les écuries, l’ancienne buanderie et bien sur les intérieurs du chateau, tout cela animé par des bénévoles costumés. Voici le pigeonnier. |
Les pigeons
atterrissent sur une
aire devant les lucarnes que les constructeurs ont faite en saillie
tout en la protégeant des vents. Certains atterriront
sur
les boules. Les pigeons aiment à se regrouper avant
d’entrer au pigeonnier par les ouvertures
aménagées pour les laisser
passer tout
en empêchant les rapaces d’y
pénétrer. Par les ouvertures au-dessus de la corniche ils pourront s’envoler de cette plage d’envol. La corniche circulaire sert de larmier ainsi qu’à protéger les pigeons en empêchant les rats, les fouines et les belettes de poursuivre leur ascension et de pénétrer dans le pigeonnier. Remarquez l’élégance des trois lucarnes à la Mansart qui servaient aussi d’aération et permettaient à la lumière de pénétrer dans le bâtiment. Un lanternon en forme de casque à pointe orne la toiture. La porte, très belle permet d’accéder à l’intérieur. Sur son linteau il y est gravé : « PIERRE HELIE MASON » (Pierre Hélie le maçon) |
De tels
pigeonniers visaient trois objectifs : _d’abord montrer sa richesse avec élégance, _ensuite obtenir la « colombine » un engrais très riche en azote apprécié dans les jardins et les champs. ! _Mais le pigeonnier était essentiellement un garde manger à une époque ou l’on ne consomme que du poisson et des volailles accessoirement des lapins et de la chasse, les autres animaux étant destinés avant tout au lait ou au trait. "la viande bovine était peu consommée, sinon pour les festoiements. Il était donc de première utilité de pouvoir disposer, en dehors des salaisons de réserves naturelles et renouvelables et qui se différencient des volières communes ; ce seront les étangs, les colombiers et les garennes." _Olivier de Serres_ Le pigeon est prolifique: Chaque couple de pigeons de mars en septembre élèvera quelques 6 pigeonneaux si l’on ne prélève pas les œufs ! Un pigeon vit environ huit ans, devient adulte à six mois et la femelle couve pendant dix-huit jours un ou deux œufs et cela cinq à six fois par an. Chaque année de nuit on coupe aux pigeons la moitié d’une griffe différente, ceci lorsqu’ils sont au nid tout en prélevant ceux qui ont quatre griffes coupées lesquels sont devenus moins bons reproducteurs et seront vendus ou rôtis. Le nombre de boulins (poteries d’argile insérées dans le mur pour constituer le nid) est proportionnel à la superficie de l’exploitation. Celui du château de PANLOY en comporte 2500 ( la norme est un boulin par jounal sachant que le journal va de 30 ares 39 centiares vers Aulnay à 58 ares 62 centiares vers Montguyon faites le calcul...) |
plan
schématique du dispositif
|
L'ÉCHELLE Tous les colombiers importants possédaient une échelle verticale mobile frôlant les parements intérieurs ; cette échelle était suspendue à des potences fixées sur un mât robuste bien axé dans la construction, tournant sur un pivot de base et dans une bride circulaire de tête ancrée dans la charpente. Ainsi chaque nid pouvait être facilement atteint et visité. L’échelle permet de ramasser les œufs, les pigeons morts et de nettoyer les nids sans prendre appui sur les boulins ! Le colombier de Montierneuf comporte deux échelles en opposition |
Le pigeon vit environ huit ans. Sa
prolificité est
surprenante car la femelle couve pendant dix-huit jours et peut pondre
un ou deux oeufs, cinq ou six fois par an tandis qu'un jeune devient
adulte et se reproduit au bout de six mois. Il fait partie
intégrante de la ferme depuis des millénaires. Il
conserve sa vocation initiale (voler) à l'inverse d'autres
volatiles qui, en présence de l'homme, ont perdu cette
faculté essentielle et fondamentale. L'apprivoisement a
conduit
les oies, les canards, les poules, les pintades à rester
statiques, au sol, alors que les pigeons ont gardé cette
liberté nécessaire et indispensable, seule source
de vie
et d'intelligence. Tout en restant dans l'enclos du domaine, il se laisse peu approcher sauf dans les villes où il quête une nourriture plus facile à trouver que dans les champs ensemencés. Cette concentration urbaine a des conséquences catastrophiques pour notre patrimoine bâti ... |
Les lucarnes sont au nombre de
trois à PANLOY De cette manière il y en a toujours une circulation d'air et un coté à l'abri du vent pour mieux se poser. Les constructeurs ont aménagé en avant une saillie, sorte de petit balcon dépassant le relief de la corniche, qui permet aux pigeons de se réunir en troupe avant d'entrer dans le colombier, ce qui est dans leurs habitudes. Les boules décoratives servent aussi d'aire d' attérissage. La lucarne sert aux pigeons pour rentrer, c'est la seule ouverture qui laisse à l'air et au jour la possibilité de pénétrer à l'intérieur de la tour. Les trous d'envol sont généralement ronds parfois carrés, mesurant environ 10 cm, ils interdisent l'entrée à tout oiseau au corps plus imposant. Seules, les corneilles restent dangereuses pour les oeufs tandis que les chouettes sont susceptibles de s'attaquer aux pigeonneaux. |
Ce pigeonnier
à CORME-ROYAL date également du XVIIè Il est plein nord dans ce qui fut une dépendance de l’Abbaye |
Pigeonnier
d’époque
renaissance, imposant avec ses 11 m de diamètre et
ses 17
m de hauteur, il vient d'être restauré
Montierneuf avant restauration.... Le pigeonnier a été construit au début du XVI è siècle et il est unique par son architecture doté d' une grande richesse ornementale. Il possède plusieurs bandeaux y compris sur la coupole pour empêcher les prédateurs de pénétrer. Trois lucarnes richement décorées et surmontées d’anges, de coquilles et de candélabres sont placées entre fût et coupole. Chacune des ouvertures est unique dans son ornementation. Elles permettent l’entrée des volatiles. La coupole est surmontée d’un élégant lanternon constitué de huit colonnes cannelées, avec chapiteaux à décors floraux finement sculptés. Les parement de la fuie sont entièrement de pierre de taille. A l’intérieur du pigeonnier de Montierneuf se trouvent 2959 trous de boulins, chacun travaillé en pierre de taille, suffisamment grand pour que les pigeons puissent y loger, pondre et couver. Le mécanisme intérieur du pigeonnier a été restitué avec ses échelles de bois tournantes ; (source: sdap 17 internet) Sites web: http://www.monclocher.com/QuelquesRefPar.asp?NumArticle=16254 pour les horaires (2007) à vérifier: http://www.la-croix-comtesse.fr/nversion/VisuArticleTot.asp?NumArticle=33442 Pour ceux qui voudraient visiter le site de Montierneuf- son sympathique propriétaire fera son possible pour se rendre disponible sur rendez-vous à titre gracieux - prière de le contacter au:<jccmerc@gmail.com>. _______________________________ « A Montierneuf, il y a
un colombier qui est un des plus beaux du
royaume ».
Claude Masse_géographe du roi_1718_ |
L'IMPÔT DE LA FUIE Autant fours et moulins sont des investissements seigneuriaux à usage de la collectivité, autant le colombier ou fuie est un équipement rural à strict usage seigneurial. Ici, la nécessité économique disparaît, ne laissant en place qu'un privilège de type fiscal, oppressif et odieux. Il faut distinguer théoriquement les colombiers de pied, tours rondes indépendantes du château duquel elles dépendent, des autres colombiers intégrés aux bâtiments. Les premiers sont un privilège des seigneurs haut justiciers ; les seconds, qui se développent à partir du XVIIe siècle, sont liés à n'importe quelle habitation noble ou bourgeoise. Une fuie, de pied ou intégrée, est composée de boulins, c'est-à-dire de «nids» dans chacun desquels vit un couple de pigeons. Dans les colombiers de pied, les boulins font partie intégrante de la structure : les murs, épais d'environ un mètre, sont évidés en une multitude de boulins de 40 centimètres de profondeur. Dans les pigeonniers intégrés de l'époque classique, les boulins sont préfabriqués en terre cuite, et plaqués dans la maçonnerie ; la région de La Chapelle-des-Pots s'en était fait une spécialité. Le nombre des boulins est lié à celui des journaux justiciables du seigneur : un boulin par journal. Cette règle théorique est peu respectée, et le nombre des boulins augmente en général à chaque succession partagée, chacun voulant, en signe de noblesse, posséder un nombre identique de boulins. Cette inflation des boulins a souvent la triste conséquence de gâter les récoltes : par exemple en 1688, les propriétaires de la Vézouzière en Oléron se plaignent « que les foins et les bleds sont perdus par les ramiers » du pigeonnier voisin de la Cailletière. On a souvent prétendu que les fuies étaient des édifices de prestige, sans utilité réelle. Elles sont en fait un impôt seigneurial supplémentaire : le pigeon du seigneur se nourrit des semences et des récoltes. Tout comme le ministériau qui perçoit les agriers ou les dîmes, le pigeon prélève sur le produit final. A raison d'un boulin par journal, on a estimé ce prélèvement à environ 5 %. La limitation même d'un boulin par journal indique le caractère fiscal du prélèvement sur les récoltes; au-delà, on assisterait à la destruction des produits, comme à la Vézouzière : l'impôt de la fuie ruinerait celui des agrières. Si l'assiette de l'impôt est ainsi définie, son produit apparaît clairement : la viande consommée (rare et chère à cette époque) et le fumier fourni représentent une transformation particulièrement rentable du prélèvement opéré sur les récoltes. Ainsi la viande et «le fiant des dicts pigeons», ceux du château de Crazannes sont estimés à 200 livres par an en 1760, soit autant que les lods et ventes de la seigneurie ! Ce caractère évident de «superdîme»" des fuies fut fortement combattu dès le début du XVII è siècle , d'autant qu'à cette époque, les boulins se multiplient à l’envi, n’importe quel propriétaire bourgeois devenant ainsi une sorte de percepteur supplémentaire. Les cahiers de doléances de 1789 reprennent cette argumentation . Ceux des officiers de santé et des ingénieurs de la marine de ROCHEFORT sont particulièrement nets à cet égard : « Que le droit de fuye soit annulé : Les pigeons enlèvent une partie des grains du cultivateur, un couple de pigeons donne à peine douze sols par an, et il mange au moins deux boisseaux de grains ; c’est donc avoir le droit de faire dévorer le citoyen, qu’il lui soit donc libre de les tuer » . «Ce sera donc rendre justice que de permettre à tout propriétaire de tuer les pigeons qui viendront ravager ses récoltes». Concrètement, c'est ce qui se passa aussitôt après l'abolition du droit de fuie dans la nuit du 4 août 1789. Les possesseurs de fuies étant incapables de retenir leurs pigeons dans les limites de leurs domaines propres, ils en arrêtèrent l’exploitation. Le nombre de pigeons diminua fortement : estimés à plus du million à la fin du XVIII è, ils ne sont plus que 101805 en 1862 et 72800 en 1929 . R. COLLE. « Le paysan saintongeais au XVIIè siècle ». |