L'église
et le prieuré romans
de
SAINTE-GEMME (17)
Texte
intégral de Charles CONNOUË
Photos:
Andreï VLAD (& Alain Deliquet)
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SAINTE-GEMME
Commune du Canton de
SAINT-PORCHAIRE
(à 11 kilomètres au Sud-Ouest de
Saint-Porchaire et à 26 kilomètres de Saintes)
Plusieurs fois incendiée, mutilée et
transformée,
l'église de Sainte-Gemme, réduite à
son ancienne
nef, constitue néanmoins un des plus beaux
édifices de la
région. Elle est aussi l'une des plus
intéressantes, car
le plan sur lequel elle est bâtie est rare en Saintonge
;
elle
abrite en outre une porte qui est une merveille de l'architecture
romane.
Tout dans cette construction accuse le XII è
siècle, mais
comme il est question dès 1075 d'un prieuré
à
Sainte-Gemme, il faut admettre que l'église actuelle a
remplacé une chapelle antérieure.
Sainte-Gemme était au XI è siècle un
petit village
perdu dans une clairière de la forêt de Baconne.
Il fut
vraisemblablement fondé par des proscrits espagnols. Sainte
Gemme est, en effet, une martyre ibérique du IIe
siècle.
Son culte s'est propagé en France suivant une ligne partant
de
la frontière et qui, depuis les
Pyrénées monte
jusqu'au Haine et à la Bretagne en touchant de proche en
proche
dix-huit départements. C'est vraisemblablement le chemin
suivi
par les émigrants espagnols fidèles à
leur foi et
à leurs traditions.
À la fin du XI è siècle un duc
d'Aquitaine fit,
« pour le salut de son âme »,
d'importants dons en
terres aux Abbés de la Chaise-Dieu en Auvergne, à
charge
par eux de fonder un monastère à Sainte-Gemme.
Les moines
se mirent à l'oeuvre et édifièrent en
Saintonge un
monument de style roman-auvergnat caractérisé par
un
intérieur à trois nefs
précédées
d'un narthex, disposition non habituelle en Saintonge.Ce
narthex (avant-nef
préfèrent les casa déistes)
est une
salle rectangulaire de 6 mètres sur 14, couverte de trois
voûtes sur croisée d'ogives.
Les
arcs de la
voûte du milieu sont formés de gros tores
à section
cylindrique; ceux de la voûte de gauche de tores plus petits
accolés par trois et ceux de la voûte de droite,
très volumineux aussi, de nervures à profil
prismatique.
Ces arcs
retombent sur de courtes colonnes surmontées de beaux
chapiteaux
à décoration végétale
fouillés et
bien conservés.Parfaitement
conservée aussi est la très belle ornementation
des
quatre voussures de la magnifique porte donnant accès a la
nef.
Cette porte en plein-cintre a ses pieds-droits formés de
piliers
carrés dont les angles rentrants sont garnis de colonnes.
Les
chapiteaux délicatement recouverts de feuillages et
d'entrelacs
sont en tout point, comme les arceaux de la porte elle-même,
dignes de retenir l'attention.Au-dessus
de ce
narthex s'étend une vaste tribune abritée sous la
première travée d'une nef qui en compte quatre,
toutes
couvertes en berceau et séparées par des
doubleaux
à Sections rectangulaires. De chaque
côté trois
piliers carrés avec, sur chaque face des colonnes
demi-engagées soutiennent les doubleaux et les arcs
latéraux des baies donnant accès aux
collatéraux.
Les colonnes centrales qui regardent la grande nef montent
jusqu'à la voûte.
Les nefs de côtés couvertes également
en berceau
sont éclairées par des fenêtres en
plein-cintre
très ébrasées.
Certaines
des colonnes se terminent par de beaux chapiteaux. Toutes
les voûtes de cet édifice ont
été refaites vers 1876, mais dans le style
primitif.
Les trois nefs s'arrêtent brusquement à l'orient
sur un
mur plat qui, pour toute la partie centrale est bâti dans
l'ancien arc du carré du transept. Devant se dresse l'autel
;
derrière se voient encore les vestiges des parties
détruites pendant les guerres de Religion (transept, abside,
clocher). Ces traces permettent de juger de l'ampleur de
l'église à son origine. Sous ces
débris fut
découverte, il y a quelques années, une petite
crypte
d'apparence très ancienne qui avait
été
comblée. Le déblaiement mit à jour une
construction grossière de dimensions réduites qui
ne
semble cependant pas être antérieure à
l'église elle-même.
Il y a lieu de remarquer dans la nef une curieuse inscription sur l'un
des piliers et à droite de l'autel un chapiteau dont
l'ornementation bizarre pose un embarrassant point d'interrogation. Sur
la corbeille de ce chapiteau
se détache
trois ânes dont deux affrontés semblent se battre.
Des
poules et un pigeon circulent entre leurs pattes qui sont
terminées non par des sabots, mais par des griffes. Allusion
malicieuse sans doute aux dissentiments entre moines et la
population pacifique de la région.
A l'extérieur le mur Nord est étayé
par
d'énormes et disgracieux contreforts. Quant à la
façade elle présente deux étages
surmontés
d'un pignon à campanile percé d'une baie. Deux
fortes
demi-colonnes montent du sol jusqu'au pignon et divisent cette
façade en trois aires. Celles du premier étage
s'ornent
chacune d'une grande fenêtre romane à deux
archivoltes
portées sur des colonnes à chapiteaux. Celles du
rez-de-chaussée sont occupées par un portail
à
trois voussures et deux grandes baies aveugles à une seule
archivolte portée par des colonnes. Deux
corniches
à modillons sculptés traversent cette
façade mais
cinq ou six seulement de ces modillons sont anciens, les autres comme
la plupart des voussures des arcades le pignon et le campanile, ont
été refaits récemment.
À noter que la disposition des trois grandes
fenêtres du
premier étage est peu fréquente dans notre
région.
En
1727
l'église de Sainte-Gemme a été le
théâtre d'un incident relaté ici pour
montrer
quelle était encore à cette époque la
puissance de
« l'autorité religieuse ». Cet incident
connu sous
le nom de « scandale de Sainte-Gemme »
défraya
longtemps la chronique régionale.
Des
inimitiés existaient, là comme ailleurs, entre
les
familles seigneuriales voisines. Un dimanche, pendant la
célébration de la messe paroissiale, la famille
Aymard de
la Fromigère, le père et les deux fils, virent
entrer le
sieur de l'Estang avec lequel ils étaient en
procès. Les
deux fils se précipitèrent aussitôt sur
l'arrivant.
Celui-ci prenant la fuite, ils le poursuivirent et l'atteignirent
près des fonts-baptismaux où «
à grand
renfort d'injures » ils le frappèrent de plusieurs
coups
de pointe et de plat d'épée. De l'Estang porta
plainte.
Les deux assaillants furent arrêtés et
emprisonnés.
Accusés « d'atteinte à la
Majesté Divine
» avant d'avoir à répondre des coups et
blessures
portés à leur ennemi, ils furent finalement
condamnés l'un à s'agenouiller à la
porte de
l'église, un cierge en main, tête nue et
à entendre
la grand'messe « avec toute la décence et la
modestie
convenables » puis à déclarer
à haute voix
qu'il demandait pardon à Dieu, etc... L'autre à
faire des
excuses et tous les deux à des amendes et aux
dépens...
(A. Baudrit.)
__Fin du
texte de Charles
CONNOUË________________________________________
Les
églises de la SAINTONGE (livre 1
épuisé)
édition:
R.DELAVAUD (Saintes) avec leur aimable permission
______________________________
Charles
Connouë n'a pas parlé des splendides
restes du
prieuré
Vers
l'album de Ste GEMME
Le
livret dédié au prieuré
complété d'un DVD
Histoire,
architecture, sculptures et restitution du prieué de
SAINTE-GEMME
Le site du
prieuré: http://prieurestegemme17.jimdo.com/
Le
monastère aujourd’hui : http://youtu.be/t_rtSs5rv2U
La
restitution du prieuré à la fin du XIIe
siècle : http://youtu.be/AZAC6u5g2Qk
https://www.facebook.com/prieure.saintegemme
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