La
collégiale Saint-Pierre de Chauvigny doit sa
réputation aux chapiteaux du chœur.
"FAISONS
les PARLER, ou du moins essayons,
puisque le sculpteur nous y invite..."

Le même
personnage, c'est à dire la même âme, se
trouve
représentée sous différents aspects de
celle-ci :
A l'extrême
gauche sous l'emprise de ses sens, matérialisés
par un
être démoniaque (dont un bras est
brisé).
(Remarque les vêtements étaient unisexe
à l'époque)

Le personnage du
centre est probablement la synthèse.
Il montre un livre, lequel se
retrouve sur le chapiteau de Jésus dans les bras de
sa
mère, (côté Jésus
présenté au
temple).
Satan et ses sbires symbolisent toutes les forces qui
troublent et
affaiblissent l'âme, c'est
le monde souterrain, là
où vivent des êtres
rampants, couverts d'écailles,
collés à la terre et incapable de
s'élever vers Dieu.
Les deux êtres maléfiques sont munis de
crêtes et d'écailles rappelant
les lézards et les serpents.
A remarquer que le sculpteur présente un démon
couvert d'écailles coté âme nue
et un démon nu coté personnage vêtu.
Le personnage central s'est transformé avec une chevelure
diabolique et un habit écailleux.
Il tient "le Livre de vie" qui selon l'apocalypse contient les
noms des élus.
Il craint que son nom disparaisse du Livre de Vie à cause de
sa mauvaise conduite.
(
En Saintonge les sculpteurs n'ont pas représenté
les
flammes de l'enfer à moins que ces chapiteaux
tardifs aient
disparu.)
La morale du chapiteau :
Ne te laisse pas entraîner par tes vices, ton nom pourrait bien disparaître du livre et
ce
pourrait bien être le feu éternel qui
l'attend.
____________________
Le chapiteau à la
sirène est aussi un chef d'oeuvre :

Dans le
tailloir sur dimensionné, un entrelacs à 3 tiges
qui n'a ni
début ni fin avec des étoiles ou des fleurs
à 4 pétales à l'intérieur.
Le sculpteur insiste avec un autre entrelacs qui comporte
seulement 2 tiges.
La corbeille offre une sirène originale :
au lieu de tenir des poissons elles tient des créatures
hybrides. (les poissons
symbolisaient les chrétiens)
Ce sont de magnifiques quadrupèdes volatiles qu'elle
tient par le cou.
Ces bestioles mi oiseaux (côté spirituel) et mi
animal
terrestre représentent probablement les chrétiens.
La sirène les invite à la suivre.
Le
motif en croix de St André qui se retrouve autour de la
tête de la sirène rappelle le motif du
"Livre" précédent.
Ce motif est l'aboutissement d'une spirale (démarche de
spiritualisation) qui commence avec de simples
carrés plus bas.
Au fur et à mesure de leur ascension les carrés
grandissent pour finir en un
symbole étoilé
associé au "Livre de Vie".
La sirène
représente la beauté spirituelle qui
entraîne le chrétien au ciel.
La morale du chapiteau :
Pour vivre éternellement et que ton nom ne disparaisse pas
du livre de vie : laisse-toi guider par la beauté spirituelle.
.
______________________________________________________________________
Revenons
au choeur avec ses chapiteaux:

Ces personnages
sont représentés par un corps de lion (force
virile)
des ailes aux pattes (gagnées pour
aller au ciel)
les visages sont humains (non barbus)
Le cou est démesurément
long (esthétique? autre symbole? la sirène tenait
par le
cou ?
Coiffé
d'un bonnet (symbole ?) et non du casque de la foi (?)
La queue (symbole de ce
qui est ancré au fond de l'esprit) est en position de
maîtrise mais...
sous l'emprise du Malin
Ce
personnage n'a pas réussi sa conversion totale, une partie
de
lui-même est restée acquise à ses
mauvais penchants....
Les volutes au-dessus de la tête démoniaque
invitent
à l'élévation de l'âme vers
plus de
spirituel...
La morale du chapiteau :
Contrôle et maîtrise bien tes désirs enfuis.

Les 4 côtés du chapiteau sont
identiques
Le chapiteau suivant présente des faces
différentes:
sur ces 2 faces:

Des lions adossés (sans ailes et il n'en reste que les
plaies)
leurs queues enlacées se terminent en pointe
lancéolée sur cette face
Des boules (symbole de l'unité) sont dans ses pattes
Les bouches forment un triangle et non un carré.
Est-ce le symbole de l'homme ancré dans l'amour
terrestre?
à droite on voit :
Une créature démoniaque à queue de
reptile lui prend possession de la tête
et elle tient également une boule
La
boule est symbole de l'unité et le sculpteur exprime que cet
être est uniquement
orienté vers les plaisirs terrestres.
et sur une autre face:

Cet homme est mal parti pour le ciel:
Son corps danse tellement que le sculpteur l'a
dédoublé !
Il a 4 jambes ou quatre pattes !
Les jambes sont décuplées pour renforcer son
ancrage dans le terrestre !
ses actions sont symbolisées par ses mains:
il tient fermement des léonins
(tentations internes ou exogènes)
ceux-ci ont l'emprise sur lui, symbolisée par les morsures
aux bras (les actions)
Les queues lancéolées des monstres peuvent
indiquer qu'il s'agit d'une emprise à caractère
sexuel.
(Remarque la jupe n'indique pas un personnage féminin car
à l'époque hommes et femmes s'habillaient
identiquement
sauf les seigneurs)
sur une autre face:

Toujours
pour montrer qu'il s'agit de nous des visages humains sur les bestioles
qui nous représentent.
Le
corps de lion s'est transformé en corps d'oiseau c'est un
progrès.
(Le personnage
s'est
allégé il a fait des progrès
spirituellement parlant, il est moins ancré dans le
terrestre)
Les queues symboles de ce qui est
enfoui en nous est cette fois-ci entièrement nourrie de
spirituel.
Ce sont des feuilles grasses orientées vers le ciel.
En effet les oiseaux qui souvent s'abreuvent dans
un calice becquettent la partie supérieure.
Cette âme en ayant ce qui est profond en elle
dominé par les messagers du ciel a
retrouvé ses ailes et a progressé
énormément.
Le sculpteur explicite sur le chapiteau suivant la
raison de cette spiritualisation

La barbe démesurée est bifide
en coquille ou feuille creuse symbole sexuel.
Les
ailes sont toujours aux pattes
et la queue en position de
maîtrise est en train de donner une gifle à cette
tentation représentée par un visage !
Le visage semble féminin mais à
l'époque les cheveux longs pour les hommes sont courants!
Le visage frappé exprime la révolte, il
n'apprécie pas et grince des dents.
Ce visage souffre et exprime la vieillesse avant la mort alors que le
barbu à l'air très
satisfait et en forme!
il a
résisté à la luxure!


Cette autre face
diffère par les formes de la barbe moins bifide et
la bouche.
Vient
alors un chapiteau représentant des scènes du
nouveau testament:

L'archange Gabriel annonce à Marie la conception
divine.
Gabriel
montre du doigt le ciel et tient une croix dans sa main droite sur fond
d'aile.
La
croix sur fond d'aile est ici symbole du salut pour
l'humanité.

L'étoile qui a guidé les mages
les 3 rois mages couronnés à genoux
présentent leurs cadeaux dans des coupes!
la main de Dieu sortie du ciel montrant trois doigts.
La vierge portant l'enfant Jésus qui exprime
également la trinité, de sa main droite
"GOFRIDUS ME FECIT" soit: "Geoffroy m'a fait"
est en place d'honneur au dessus de Marie
c'est donc plutôt le nom du donateur que celui du sculpteur,
ces derniers étant plutôt discrets.

L'une des trois tentations du Christ au
désert
Le diable présente une pierre à
Jésus qui a faim pour la transformer en pain
mais
Jésus pointe du doigt le ciel pour exprimer que la
véritable nourriture est la parole de Dieu.
Une autre face représente la présentation au
temple par "SIMEON" (pas de photo, si vous l'avez, merci)
"SIMEON - IHS XPS - SANCTA MARIA".
_____________________________________________________________________
Voici ce qui vient d'être vu dans son cadre vu
de l'autel: les 2 chapiteaux de gauche


De
l'autre coté du chapiteau à la gifle et dans un
rappel de
la symétrie de celui-ci, le contraire du refus face
à la tentation :
l'âme qui s'enferme dans l'animalité en
refusant les progrès spirituels.
La tête du personnage tire la langue comme le font
les monstres, sûrs de leur affaire.
Ce geste exprime l'astuce, et le triomphe du
Malin.
Son âme (le
personnage nu) se fait dévorée par
les passions symbolisées
par un lion monstrueux à deux corps, à
tête diabolique et
à queue de serpent : ses vices.
La force virile en lui (le
lion) s'est transformée en force
maléfique.

Les autres faces expriment le même message :
cette âme s'est fait dévorer par ses passions et
vices.
______________________________________________________

La grande Babylone
Babylone richement parée qui lève deux coupes
symboles des parfums et plaisirs.
Babylone est l'antithèse du royaume céleste
C'est le symbole de la ville qui rassemble toutes les
déviances, tous les vices et toutes les tentations.

à droite commence le chapiteau de la pesée

c'est notre jugement intérieur et non pas le jugement
dernier qui est évoqué
Saint MICHEL archange (c'est écrit) tient une balance
l'âme se tient sous son aile droite et sollicite l'ange les
mains jointes
les actions sont dans un plateau et le diable "DIABOLUS" (c'est
écrit au-dessus)
essaie de faire pencher de son coté la balance, il triche
comme toujours!
A droite le même chapiteau montre un homme triste et pensif
au pied de "BABILONIA DESERTA"
Entre les deux représentations de Babylone sur ce chapiteau
le sculpteur nous représente nous-même
en train de réfléchir !
De part et d'autre de ce chapiteau :
Des volatiles emportent une âme
De l'autre côté, une âme se fait
dévorer par un vice carnassiers.
Deux choix de vie !

La grande prostituée (BABILONIA MAGNA
MERETRIX) qui élève une coupe et un
petit vase (à parfum?)
C'est une image rare dans l'art roman.
Les ecclésiastiques considéraient
négativement les villes, en effet elles étaient
des
organisations économiques
et sociales qui échappaient de plus en plus
à leurs contrôles et pouvoirs.


À gauche sous les murs détruits de Babylone
l'invitation à réfléchir
et suivre le bon Pasteur

L'archange "GABRIEL ANGELUS" (c'est écrit dans le nimbe)
entouré de bergers avec leurs brebis
à droite on peut lire "PASTOR BONUS" : le bon
Pasteur
et au dessus "DIXIT GLORIA IN EXCELSIS DEO"
C'est l'annonce faite aux bergers reprise par le sculpteur pour
indiquer
que Jésus est venu nous délivrer.
Raison
pour laquelle j'insiste pour la représentation du jugement
précédent comme le choix intérieur
à faire.

Des volatiles emportent l'âme au ciel.

Le bon choix : aller au ciel !
Remarquez la tête touchant l'astragale (l'Église)
Les chapiteaux ont bien parlé !
Il y a une autre alignée plus haut
et plein d'autres chapiteaux dans le déambulatoire ....


L'église Saint-Pierre a
été construite au XIIe siècle, en
commençant par le chœur. Le clocher a
été élevé au
début du XIIIe siècle.
Elle
est le siège d'un archiprêtre sous
l'ancien Régime. Abandonnée à la
Révolution, elle est rendue au culte en 1804.
Saint-Pierre
est alors le siège du doyenné jusqu'au
début du XXe siècle. Il est alors
transféré à l'église
Notre-Dame, en ville basse.
Très
endommagée pendant les guerres de Religion (en 1569) et lors
de la Fronde (en 1652), privé d'entretien pendant la
période révolutionnaire,
l'édifice a
fait l'objet de plusieurs campagnes de restauration au XIXe
siècle. Ainsi, les peintures datent de 1856.
L'édifice
est classé au titre des monuments historiques en 1846.
_____Dec 2014/19-04-2019_____
|