L'abbatiale de VIGEOIS

 en Limousin et ses sculptures romanes.

Commune du département de la Corrèze (19)


Le texte  provient essentiellement du livret "Laissez-vous conter Vigeois"
ainsi qu
e d'autres textes explicatifs dans l'abbatiale.

Photos de Alain DELIQUET


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"chapiteaux.free.fr"

Le testament de saint Yrieix datant de 572 est le plus ancien texte attestant l'existence du monastère de Vigeois. Il semble que suite à plusieurs destructions successives, l'église fut reconstruite de 1082 à 1121. La guerre de Cent Ans, les guerres de religion et un incendie ruinèrent tour à tour l'édifice. En 1866, certaines absidioles furent rebâties et la nef de nouveau reconstruite. Cette dernière a alors peut-être été raccourcie de deux travées, mais un abaissement de près d'un mètre de l'ensemble de la place autour de l'église a fait disparaître les fondations de la nef primitive et des bâtiments conventuels.
La fouille archéologique de mars et avril 1993 a néanmoins permis la découverte de différentes maçonneries :
- des murs de drainage longeant les murs romans de l'église et créant des espaces rectangulaires utilisés comme puisards ;
- une partie des soubassements d'un grand bâtiment de la fin du Moyen-Age, dans le mur duquel avait été aménagé un puits ;
- des fondations, réduites à une seule assise de pierre, dont la fonction et la chronologie n'ont pu être précisées.

Chevet de Vigeois


L'abbatiale Saint-Pierre fut classée au titre des monuments historiques en 1886.

plan abbatiale de Vigeois

Le plan de l'édifice se signale par son chœur imposant, pourvu de trois absidioles rayonnantes mais sans déambulatoire.
Ce chœur voûté en cul-de-four s'ouvre sur un transept muni de deux chapelles orientées.
 La courte nef unique de deux travées a été reconstruite de 1866 à 1868.

portail nord VIGEOIS
(Le portail nord est roman, le portail ouest est moderne)


Ce portail polylobé est du XIIe siècle.

léonin

C_
Probablement un cerf symbole du Christ

Abbatiale de VIGEOIS

A_ (voir le plan plus loin pour les repères)

 Le chapiteau de droite (A) présente deux personnages : saint Pierre, patron de l'église, identifié par sa clé et saint Paul.
Il surpasse en qualité les autres sculptures qui, tant à l'extérieur qu'à l'intérieur,retracent des épisodes de la Vie
du Christ ou des scènes des Écritures.
Cet ensemble sculpté appartient à un groupe cohérent présent entre les vallées de la
Vézère et de l'Auvézère (comme par exemple dans les églises d'Arnac-Pompadour et de Lubersac).
Le chevet ressemble à celui de l'église de Sotignac et surtout à celui de l'abbatiale de Souillac.

 Le chœur émerge entre deux tourelles octogonales avec sept fenêtres percées dans sa partie supérieure.
 Les cinq chapelles sont alternativement de plan polygonal et semi-circulaire.

Entre chacune d'elles, une baie est encadrée par des colonnes surmontées d'un boudin
caractéristique de l'art roman limousin.
Une corniche supportée par une centaine de modillons souligne la toiture d'ardoise des chapelles et du chœur.
Après élimination de plusieurs bâtiments accolés au chevet on peut, en 1908, rebâtir l'absidiole nord et rétablir l'arcature
de la chapelle voisine. D'importantes restaurations ont eu lieu de 1992 à 2002 : elles ont concerné l'extérieur, l'intérieur
et les toitures qui ont été entièrement refaites. Enfin, en 2008, au sud-est, la sacristie a été rénovée.

Plusieurs tableaux du XVIe au XIXe siècle, classés au titre des monuments historiques ainsi que deux sarcophages découverts lors des fouilles de 1993 sont exposés dans l'édifice.

sarcophages vigeois
 
A l'occasion de travaux de drainage réalisés autour de l'église de Vigeois, une fouille archéologique s'est déroulée aux mois de mars et avril 1993 au sud-est du chevet.
Elle a permis la mise au jour :
-de plusieurs murs de bâtiments,
-d'un puits dont la margelle a été reconstruite au-dessus du niveau de la place,
-d'un four à cloche,
-de nombreuses sépultures.
 Ces dernières étaient de trois  types :
-des inhumations en pleine terre,
-des tombes maçonnées appelées "caissons",
-des sarcophages en calcaire.

L'ancien cimetière était donc attenant à l'église. Certaines sépultures recoupées par les murs de celle-ci attestent l'antériorité de la nécropole dont les inhumations les plus anciennes pourraient dater de la fin du VIe siècle.

Cinq sarcophages en calcaire ont été exhumés. Ils  font partie des  plus anciennes sépultures du cimetière: En effet, ce type de sarcophage a été utilisé dans nos régions de la fin du VIe  à  la  fin  du  VIIIe  siècle. Ils sont les témoins de l'existence d'un lieu de culte antérieur à celui que nous connaissons.
 L'orientation traditionnelle des sépultures d'est en ouest n'était pas respectée à Vigeois.
   Il est à noter que tous les sarcophages ont été réutilisés: leurs premiers occupants ont été retirés pour être remplacés par d'autres individus. 

"Faisons parler les chapiteaux extérieurs"

En relief avec cette couleur, les mots clés à découvrir dans mon glossaire, sur ce site
ou dans le livre "Reflets de l'âme des XIe et XIIe siècles par les chapiteaux".

 

J'ai réutilisé cette numérotation qui est celle proposée dans le document disponible à l'office de tourisme.

Abbatiale de VIGEOIS

B_Un labyrinthe en rinceaux, symbole du parcours spirituel 

Deux têtes léonines, côté gauche, symboles des forces viriles qu'ils faut dominer.
Les pattes en "X" signifie que les actions animales ne sont pas la bonne voie,
celle des apôtres côté droit. 

Au dessus en entrant le sculpteur propose deux choix de vie:

Abbatiale de VIGEOIS L'animalité 

Abbatiale de VIGEOIS ou la spiritualité 

Le choix de vie (léonin) ou (volatile) est un leitmotiv au XIIe siècle.

C_ un prophète mutilé (tardif)

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

D_ L'annonciation (tardif) thème repris du chapiteau L

Dieu souffle une colombe, l'ange messager tient un phylactère dont le message a disparu.

(Ce chapiteau est d'une facture gothique)

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

E_ La pesée des âmes qui en réalité est une réflexion sur le choix de vie.
L'âme représentée par l'enfant nu doit faire son choix entre le démon tricheur (vie plutôt animale) à gauche
 et l'ange à droite (vie spirituelle).

Abbatiale de VIGEOIS

F_ Feuilles grasses symbole de vie, celles tournées vers la terre sont nouées,
encore le choix de vie !
Les volutes symbolisent la spiritualisation.

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS
G_ un couple de gens riches, au vu de la corbeille d'abondance.
L'homme croise les jambes, sa marche vers le ciel est compromise
Derrière lui une porte, qu'il tient fermée et dans l'entrebâillement de la porte un chien retourné lèche la jambe du personnage
qui est derrière la porte, c'est Lazare le mendiant.

C'est la représentation de la parabole de Lazare qui mendiait à la table du mauvais riche.(Luc XVI, 19–30)
Thème très représenté aux XIe et XIIe siècles car Lazare ira directement au paradis.
(Voir la "Chanson de Roland", contemporaine, dans laquelle Roland réclame à Dieu le même sort que Lazare)

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

H_ Quatre personnages et deux âmes, la suite du "mauvais riche"
A gauche Lazare les mains sur la poitrine, son âme le quitte pour le paradis ( un ange l'emporte probablement dans la partie cassée)
La femme du riche tient son époux décédé dans ses bras (normalement un démon s'empare de son âme, dans la partie cassée)
A droite encore Lazare, il se tient l'oreille de sa main droite.

Abbatiale de VIGEOISAbbatiale de VIGEOISAbbatiale de VIGEOIS

I_ suite de Lazare et le mauvais riche !
A gauche l'âme de Lazare arrive dans le sein d'Abraham, guidée par un ange.
Abraham recueille l'âme de Lazare et la tient en son sein.
Le thème récurent des sculpteurs: montrer que l'on peut aller comme les Saints et Lazare directement au paradis.
Ce que montrait aussi le choix à l'entrée de la porte nord.
En haut deux âmes ont le cou pris dans des cordages que serre un démon à l'extrême droite, ils sont en Enfer.
Un sort particulier est réservé à l'âme du mauvais riche, remarquez ses pieds qui ne touchent pas l'astragale.
Il se cramponne à un pilier ou colonne torsadée.

Abbatiale de VIGEOIS

J_ Une tête de bovin en modillon (l'animalité domestiquée ou maîtrisée)
Une gueule de léonin croquant des feuilles grasses ou lancéolées tournées vers le sol. (le carnassier dévoreur de vie spirituelle)

Abbatiale de VIGEOIS

J_ Un personnage entouré de léonins qui ne lui lèchent pas les pieds.
Un léonin maîtrisant de sa patte un autre léonin. 
Un  personnage non démoniaque, au dessus, qui n' apporte pas un repas et semble observer la scène.
Une tête de bovin reprise dans l'angle supérieur à droite.
Des feuilles grasses lancéolées orientées tantôt vers le ciel, tantôt ailleurs.
Ce n'est pas Daniel et trop endommagé pour une interprétation valable.
J'y verrai plutôt un personnage dans le terrestre, peut-être maîtrisant ses passions représentées par les léonins, qui n'apprécient guère,
avec au-dessus, son autre moi, fiers de sa réussite, en compagnie non plus de léonins mais d'un animal domestiqué, représentant ses vices maîtrisés.
Les feuilles grasses lancéolées, tantôt vers le sol tantôt vers le ciel, indiquant que ce n'est pas définitif.

K_
Chapiteau très mutilé

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

L_

Un ange de sa main droite touche son aile de la paume, il ne montre pas le ciel mais signifie une action venant du ciel.
De sa main gauche il montre le sol, la terre, lieu de l'action.
Remarquez comment le sculpteur s'est efforcé de sculpter ses deux mains en continuation dans le même alignement.
Il porte une couronne symbole de pouvoir.
Sa main droite indique que c'est Dieu qui agit.
Près de l'ange une femme: Marie.

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

Marie touche la main de l'ange, celle qui agit au nom de Dieu. L'action se transmet.
A droite une femme file la laine, sa ceinture est très mise en valeur.
Probablement Marie qui prépare des vêtements pour Jésus ?
C'est l'annonciation selon Luc I, 26-38.


Abbatiale de VIGEOIS

Abbatiale de VIGEOIS Abbatiale de VIGEOIS

M_
Au centre de la corbeille un ange les mains levées, paumes de face, symbole d'innocence.
L'annonce faite aux bergers, lesquels sont de part et d'autre avec un bâton.
(Luc II, 8 - 14)



"Faisons parler les chapiteaux intérieurs"

Abbatiale de VIGEOIS (19) Abbatiale de VIGEOIS (19)

N _

Le léonin est le symbole de celui qui dévore le spirituel et l'âme, il représente les vices.
Les feuilles grasses sont les symboles de la vie, la vie spirituelle est menacée.
Les dents du carnivore, en dents de scie, symbolisent la mort spirituelle.
Remarquez la feuille grasse orientée vers le ciel qui est nouée.

Abbatiale de VIGEOIS (19)


O_

Un personnage dans une mandorle, montre volontairement les paumes de ses mains en signe d'innocence.
Entre les mandorles l'âme du personnage tient de sa main (symbole des actions) la mandorle dans laquelle un chrisme permet d'identifier le Christ.
C'est une âme qui a choisit de suivre le Christ.
Le petit chapiteau représente un léonin en position de maîtrise.
C'est la force virile maîtrisée)

Abbatiale de VIGEOIS (19)

P_
Chapiteau très abîmé.

Abbatiale de VIGEOIS (19)

Q_ Chapiteau très abîmé.

Abbatiale de Vigeois (19)

R_
A l'angle du chapiteau, sur la gauche le Christ remet quelque chose à un personnage.
Dans sa main droite une pièce de monnaie qu'Il offre au personnage derrière Lui.
Juché sur un âne un personnage nu,
A droite deux personnages.

C'est la parabole du bon Samaritain selon (Luc X, 25-37) et ce serait la suite du chapiteau précédent où
un personnage semble être tabassé avec un bâton.
L'homme tabassé est à présent sur l'âne, et le Christ va confier le blessé aux bons soins d'un aubergiste.
Sur le chapiteau précédant, l'homme violent, sur celui-ci est remplacé par le Christ, l'exemple à suivre.
L'aubergiste chargé de veiller sur le blessé reçoit l'argent pour veiller sur lui.
Dans la parabole ce n'est pas le Christ mais le bon Samaritain, stratagème souvent utilisé par les sculpteurs pour représenter quelqu'un qui se comporte en
suivant les préceptes du Christ.

S_ petits chapiteaux de fenêtre, voir O le léonin.



T_
Le Christ dans les deux mandorles.
De part et d'autre des mandorles, deux monstres démoniaques.
Ils proposent à Jésus de se jeter du sommet du temple, pour voir si Dieu protégerait sa chute.
Entre les mandorles un ange porte un objet en forme circulaire, celui qui était destiné à protéger les pieds du Christ.
(Il se peut qu'on le retrouve sous les pieds d'une statue du XVIIe de l'enfant Jésus, voir ci-dessous.)

Il s'agit des tentations du Christ selon (Mathieu IV_ 1-11) ou (Luc IV_ 1-13)





U _
Suite des tentations du Christ
Le démon propose à jésus de changer 3 pierres en pain.
le Diable tente Jésus, après quarante jours de jeûne. Trois suggestions lui sont faites : transformer des pierres en pain, pour calmer sa faim; se jeter du sommet du Temple de Jérusalem (pour voir si Dieu le protège et retient sa chute); s'incliner et se prosterner devant le Diable pour obtenir le pouvoir sur tous les royaumes du monde. Jésus refuse à chaque fois en citant un passage du livre du Deutéronome. Le Diable le quitte alors et des anges viennent le servir.


V_ Petits chapiteaux mutilés.



W_ A gauche deux personnages dont un semble auréolé, donc un Saint.
A droite une procession, quatre moines portent une chasse.
Ils portent une relique et passent derrière un pilier de l'église, à prendre au propre et au figuré.
J'y vois la représentation d'une ostension, par exemple celle-ci :
Pour répondre à une épidémie d'ergotisme, en 994, l'évêque de Limoges Hilduin et son frère Geoffroy, abbé de Saint-Martial, organisent une procession avec les reliques de plusieurs saints limousins, et en premier lieu saint Martial. Ses reliques, tirées de son tombeau, sont placées dans une châsse d'or et transportées en procession jusqu'au Montjovis, un lieu situé à un peu plus d'un kilomètre de l'abbaye (aujourd'hui un quartier du nord-ouest de Limoges), le 12 novembre 994. Là, elles sont présentées à la vénération des fidèles avec celles des autres saints limousins. Elles y demeurent jusqu'au 4 décembre, puis sont rapportées à l'abbatiale. À cette date, l'épidémie s'est interrompue. Le clergé et le duc Guillaume IV d'Aquitaine profitent de ce rassemblement, et de la joie liée à la fin de l'épidémie, pour instaurer la Paix de Dieu. La pratique de la procession et de la présentation des reliques à la vénération des fidèles est ensuite reprise ponctuellement pendant plusieurs siècles, puis une périodicité septennale est instaurée au cours du XVIe siècle.
L'église de Vigeois dépendait de Saint Martial de Limoges à l'époque et le débat sur la vie de Saint Martial à l'époque rend celui-ci très célèbre.
(Adhémar de Chabannes (989-†1034) en faisait un disciple du Christ, car plus le Saint est proche du Christ plus il a de pouvoirs !)



X_

A gauche trois femmes portant des vases dans la main droite. Les femmes au tombeau.
Dans une mandorle un ange les accueille, il tient un rouleau dans la main.
Entre les deux mandorles, le tombeau vide, symbole de la résurrection.
Au-dessous les gardes somnolents.
Dans la mandorle suivante le Christ avec une femme à ses pieds,
la contorsion du Christ évoque la phrase adressée à Marie-Madeleine par Jésus selon Jean XX, 17:
 "Jésus lui dit: Ne me touche pas; car je ne suis pas encore monté vers mon Père.
Mais va trouver mes frères, et dis-leur que je monte vers mon Père et votre Père, vers mon Dieu et votre Dieu.

 

Y_
Dans une mandorle, le Christ entouré par des anges.
Le Christ est dans les cieux, il est monté vers son Père.



Vue générale.


 Voilà les sculptures avaient beaucoup à dire.



Alain Deliquet Août 2019






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