L'église de VARAIZE (17)
en SAINTONGE


Texte intégral de Charles CONNOUË
Photos de Michel CARON, Alain DELIQUET, wikipédia et Ministère de la Culture

Commune du Canton de Saint-Jean d'Angély ( à 7kms à l'Est de Saint-Jean d'Angély)

VARAIZE


 

Le très ancien bourg de Varaize, traversé par la grande route romaine de Saintes à Angers, possède une des églises qui ont contribué à établir la renommée archéologique et artistique de la Saintonge.
Ce bel édifice roman parvenu presqu 'intact jusqu'à nous, malgré les nombreuses tentatives de destruction dont il porte encore les traces, nous montre tout ce que nous ont fait perdre les fureurs guerrières du Moyen-Age.

Si l'abside seule, ou quelques pans de murs étaient restés debout, soudés aujourd'hui à quelques constructions plus récentes, pourrait-on imaginer ce qu'étaient aux temps passés, la nef, la façade et surtout ce joyau : la porte latérale Sud.
Combien d'oeuvres semblables, uniques, irremplaçables ont disparu, saccagées par les Anglais du XIVe siècle ou les religionnaires du XVIe.
La date de construction de l'église de Varaize ne peut guère être un sujet de controverse, quoique le fantaisiste Lesson — répété par certains auteurs modernes — estime que les « longues colonnes groupées qui divisent la façade de haut en bas sont une marque du IXme siècle ou, au plus tard, du Xe et que d'autres parlent, à son sujet, du XIe.

Nous avons là, sous les yeux, l'œuvre d'artistes entièrement maîtres de leur technique. Varaize est de la même époque que les Fenioux, Aulnay, Nuaillé, Macqueville, c'est-à-dire du milieu et de la deuxième moitié du XIIe. Cet intervalle de cinquante ans est nécessaire, car il est probable que la petite porte a été ajoutée quelques décades plus tard. Cependant, il n'est pas exclu de penser que des sculptures plus anciennes provenant d'un édifice antérieur, dont précisément les ruines existent encore devant la façade, ont été utilisées, à l'intérieur notamment.

Varaize élevée sur un plan classique, en forme de croix latine, comprend une façade à pignon relativement simple, une triple nef, un clocher carré sur coupole, une abside encadrée de deux absidioles et une porte latérale. Pour être absolument complète et présenter le type même du roman saintongeais, il ne lui manque sur sa façade que deux baies aveugles et une arcature au premier étage, mais les grandes colonnes en faisceaux excluaient l'arcature.
L'ornementation générale variée et très poussée de cet édifice peut permettre une étude complète de l'art roman.
Deux groupes de six colonnes inégales à chapiteaux nus encadrent la façade et font office de contreforts d'angle. Deux autres groupes de trois colonnes la divisent en trois panneaux. Ces divers soutiens n'empêchent pas le haut de cette façade de s'incliner dangereusement vers l'avant... Des trois panneaux, seul celui du centre est percé d'un portail et d'une fenêtre surmontée d'une corniche. Les autres sont complètement nus.

Les quatre voussures du portail n'ont aucune décoration et les chapiteaux des colonnes des pieds droits ne sont que très simplement revêtus de feuillages stylisés.

La grande fenêtre à un rouleau qui s'ouvre au-dessus, sans séparation intermédiaire, n'est pas davantage ornée, seule la corniche, très abimée par la chute de l'ancien pignon, appuyée sur les chapiteaux des colonnes centrales,

est décorée d'une ligne de modillons.

Le clocher carré à toit plat présente sur chaque face de son premier étage, une arcature aveugle à trois cintres et sur celles du second, deux hautes fenêtres à colonnettes rapprochées, mais non jumelées.

Le chevet circulaire a son pourtour divisé en cinq pans (deux pour le chœur) par des groupes de trois colonnes dont les chapiteaux portent une corniche 

 

à beaux modillons très variés. 

 

Chacun des panneaux est percé d'une fenêtre romane à double cintre ornée de losanges et de dents de scie.
Un exhaussement des murs, disparu en partie aujourd'hui, protégeait jadis une salle de garde fortifiée.
Deux absidioles encadrent l'abside. Celle du Nord, sur les murs de laquelle se voient encore très nettement deux foyers d'incendie allumés par les huguenots, 

est flanquée d'une tour d'escalier très engagée ornée de trois groupes de deux colonnes élancées.
Les murs du transept ont été eux aussi surhaussés pour créer des chambres de refuge et le bras Sud, percé d'une jolie fenêtre romane montre encore, sous son toit, des ouvertures de guet et des meurtrières.
Le mur Nord de la nef n'a pas d'ouvertures et pas davantage d'ornementation. 

Par contre, l'élévation Sud est remarquable. Si groupes de longues colonnes, appuyées sur de fortes bases, la divisent en cinq parties dont quatre sont percées de fenêtres à colonnettes.
La dernière, vers l'Orient, a son rez-de-chaussée entièrement occupé par une porte très ouvragée. Très mutilée aussi, elle a été il y a peu de temps largement restaurée, mais dans d'heureuses conditions.

Quatre voussures, huit colonnes à chapiteaux, un cordon et un bandeau composent cette belle œuvre romane, l'une des plus intéressantes de la province.
La petite voussure est ornée de six anges adorant un Agneau pascal dans un limbe. Sur l'intrados deux grands personnages encadrent une main bénissante. La voussure suivante est occupée par quatre Vertus terrassant des Vices. Sur la troisième se détachent de belles arabesques en S répétées sur l'intrados et sur la plus grande trente-six personnages debout — les Vieillards de l'apocalypse — sont rangés de chaque côté d'un Christ dans une gloire. Enfin, le large cordon qui encadre le cintre est garni de six anges thuriféraires. Immédiatement au-dessus de cet ensemble court un bandeau horizontal où se distinguent divers personnages et animaux enveloppés d'entrelacs.
Pareil déploiement d'ornementation sur une porte de dimension moyenne est rare.

L'intérieur de l'édifice présente un égal intérêt.
La nef centrale est limitée à droite et à gauche par de grands arcs en tiers-point appuyés sur des groupes de colonnes, dont les médianes, côtés nef et collatéraux, montent jusqu'à des impostes qui portent une charpente. Les travées au nombre de six sont séparées par des groupes de trois colonnes (les groupes de trois colonnes sont la caractéristique de cette église) dont la centrale monte aussi jusqu'à la charpente. Les deux plus petites servent d'appui aux arcs qui encadrent les fenêtres en plein cintre.
Une haute baie brisée clôt la nef à l'Orient. Son arc à double rouleau est porté par de hautes colonnes. Trois arcs semblables délimitent le carré du clocher couvert 

d'une belle coupole octogonale sur trompes.
Les bras du transept ont des voûtes de pierre en berceau brisé, l'abside et les absidioles sont fermées en cul-de-four.
Le choeur (malheureusement encombré d'étais) est limité par de hautes colonnes à chapiteaux et à jolies bases,
La décoration des chapiteaux est irrégulière. Ceux de la nef sont courts et garnis de gros feuillages. Ceux du carré du clocher, dans l'ensemble peu chargés de motifs géométriques et de feuilles stylisées, semblent d'une école particulière. 

Un seul montre un « Daniel dans la fosse aux lions ». Deux sont à citer, non pour leur beauté, mais, pour leur décoration spéciale et probablement unique. L'un est orné d'une rangée de boules sur son tailloir; l'autre a toute sa corbeille garnie seulement de pointes de diamant ou d'étoiles.
L'église de Varaize, dédiée à Saint Germain, est inscrite aux Monuments Historiques depuis le 20 Juillet 1908.

____________________Fin du texte de Charles CONNOUË 

Les églises de SAINTONGE
livre III épuisé

édition: R.DELAVAUD (Saintes)

avec leur aimable permission._______________________________


"Faisons parler quelques sculptures de VARAIZE

Les mots en gras se réfèrent au glossaire sur ce site.

Encore un agneau pascal qui ne porte pas sa croix.
(En Saintonge on ne voit pas de croix du XIe au XIIe siècle )
On ne représente pas Dieu non plus; sinon par une main, ici elle désigne l'Agneau Pascal.
Les vices piétinés par les vertus remplacent les combats spirituels des Xe et XIe imagés avec des léonins et volatiles.
Deuxième partie du XIIe l'ère gothique est commençante et on commence à se référer aux textes. Ici les vertus
sont armées des épées et boucliers comme les croisés.

A gauche le combat spirituel 
Au centre le combat spirituel
A droite le combat spirituel
Remarquez la queue serpentiforme du démon exogène à gauche, du vice endogène au centre
qui nourrit l'animalité  en formant un "X" et la pseudo fleur de lys
à l'angle du dernier chapiteau surmontant une feuille creuse
avec d'autres feuilles en "X" également.

AD Dec. 2023


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